« La crise sanitaire a rappelé la nécessité de poursuivre les investissements et la modernisation de notre système de santé, dans un contexte de vieillissement des infrastructures hospitalières et de saturation de certains services, à l’image des urgences, sous l’effet d’un manque de lits et de personnel. » Tel est le constat établi par la Cour des comptes dans un rapport sur les finances publiques publié jeudi 7 juillet, dont les dépenses de santé occupent une partie des conclusions.
En 2019 – avant la crise sanitaire – les dépenses de santé représentaient plus de 11 % du PIB, soit 270 milliards d’euros, dont 208 au titre des soins et des biens médicaux. Par ailleurs, en 2021, le déficit de l’Assurance maladie est de 26,1 milliards d’euros. Mais il n’est « pas une fatalité », écrit la Cour des comptes, car « des leviers convergents peuvent permettre de le résorber ».
Des gains d’efficience
Elle préconise notamment de « se doter d’outils efficaces de maîtrise des dépenses » ; « engager une profonde rénovation de l’organisation et des modalités de rémunération des soins » ; et enfin « lutter contre certaines dépenses évitables tout en exploitant pleinement les gains d’efficience pouvant être attendus, notamment du numérique en santé ».
« Le vieillissement de la population et la montée en puissance des pathologies chroniques favorisent l’augmentation des dépenses d’Assurance maladie », détaille la Cour. Cette dernière déplore que l’Objectif national de dépenses d’Assurance maladie (Ondam) « ne permet pas une régulation satisfaisante des dépenses sur le moyen et le long terme, compte tenu de la portée insuffisante des actions visant à améliorer l’efficience de l’ensemble des composantes du système de santé, qu’il s’agisse des soins de ville ou de ceux en établissements de santé. » En outre, poursuit-elle, « l’objectif d’équilibre doit régulièrement être réaffirmé comme cible du pilotage financier de la politique sanitaire ».
Repenser les modalités de rémunération
Selon la Cour, il faut repenser les modalités de rémunérations des soins. Le constat : « les rémunérations à l’acte ou au séjour représentent la quasi-totalité des financements de l’Assurance maladie aux établissements de santé et aux médecins de ville, ce qui a pour effet de favoriser la hausse du volume et des dépenses de soins. Ces modalités sont inadaptées aux pathologies chroniques, qui nécessitent la réalisation de soins récurrents ». Alors, que faire ? « Il conviendrait de définir une enveloppe annuelle de dépenses individualisée par patient affecté par une ou plusieurs pathologies, qui serait modulée au vu de son état de santé et de ses besoins et partagée entre les divers intervenants du système de santé. » La Cour encourage également les forfaits – type rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) – de manière à accorder des hausses de rémunération, par accords conventionnels.
Autre point important selon la Cour : l’organisation des acteurs du système de santé serait « insuffisamment tournée vers l’accessibilité, la qualité et la sécurité des soins ». Les établissements de santé sont principalement pointés du doigt.
Plus de pratiques avancées
« Contrairement à d’autres pays, les compétences reconnues aux professionnels paramédicaux continuent à faire l’objet d’une définition étroite », pointe la Cour des comptes. « Les pratiques avancées, par lesquelles ces professionnels sont admis à exercer certaines missions jusque-là dévolues aux seuls médecins, sous réserve d’un approfondissement préalable de leur formation, connaissent un développement encore trop limité ». Et, de manière générale, insiste-t-elle, « les trois secteurs de l’offre de soins (médecine de ville, établissements de santé et établissements médico-sociaux) sont insuffisamment coordonnés, au détriment de la fluidité des parcours des patients et de la gradation des soins ».
« Bien que les dépenses de prévention atteignent un montant significatif, 15 Mds € par an environ, le système de santé français repose encore très largement sur une logique curative », regrette la Cour. Afin de limiter la fréquence des pathologies suscitées ou activées par les habitudes de vie, il faudrait donc imaginer « un relèvement de la fiscalité des boissons alcoolisées et sucrées ainsi que des produits transformés à forte teneur en sucre ajouté ».
Mieux contrôler les médecins surprescripteurs
« Les prescriptions de médicaments, dont la consommation par habitant en France continue à dépasser celle de la plupart de nos voisins européens, appellent une régulation accrue », pour la Cour. « Le niveau de consommation d’antibiotiques est ainsi particulièrement élevé, ce qui occasionne des dépenses qui auraient pu être évitées : 400 M€ pourraient ainsi être économisés chaque année si la consommation française était équivalente à celle des Pays-Bas », explique-t-elle.
Certaines dépenses fortement dynamiques pourraient être mieux maîtrisées en étant recentrées sur leur finalité, « à l’image des indemnités journalières pour maladie et pour accident du travail ou maladie professionnelle, dont la progression annuelle atteint 4 % à 5 % et qui ont représenté un coût total de 13,6 Mds € en 2019 », développe la Cour.
Des remboursements à tort de frais de santé
Aussi, « les prescriptions des 15 000 médecins fortement, très fortement ou surprescripteurs devraient être mieux contrôlées par l’Assurance maladie ». La Cour plaide notamment pour que les salariés soient « mieux accompagnés à la reprise du travail ».
L’Assurance maladie dispose également « d’un gisement d’économies potentielles par l’amélioration du paiement à bon droit des règlements de frais de santé. En 2021, les remboursements à tort de frais de santé, pour l’essentiel en tiers payant aux professionnels et établissements qui les facturent, ont eu un coût pouvant être estimé a minima à 2,5 Mds €. »
Plus de numérique
Enfin, la montée en puissance du numérique en santé pourrait permettre de générer des économies substantielles : « prévention d’épisodes aigus nécessitant une hospitalisation grâce à la surveillance à distance des paramètres de santé, soins redondants ou dangereux évités grâce à une information exhaustive sur les soins reçus par le patient et détection plus efficace des remboursements irréguliers ou frauduleux » ou encore la « dématérialisation des prescriptions ».
La Cour mentionne également la possibilité d’avoir un « système d’information de qualité entre toutes les branches », à l’instar de celui dont est dotée la Belgique. Au-delà des mesures d’économies et d’efficience mentionnées, la Cour rappelle que la part des dépenses de santé socialisées par l’Assurance maladie n’a cessé de croître au cours des vingt dernières années, notamment « du fait de l’augmentation du nombre d’assurés en situation d’affection longue durée (ALD) : entre 2001 et 2019, elle est ainsi passée de 78 % à près de 80 % de la consommation de soins et de biens médicaux ».
Le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, invité de la matinale de France Inter vendredi 8 juillet a souligné le « paradoxe » du secteur de la santé : « investir dans l’hôpital, c’est indispensable. Mais à côté de ça, dans le système de santé, il y a des sources d’économie : la tarification, la numérisation, l’organisation des systèmes entre l’hôpital et la ville ». Il appelle également à investir dans « la modernisation des Ehpad ».
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