En France, 500 000 personnes de plus de 80 ans ne sont toujours pas vaccinées contre le Covid-19. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
Pr Gaëtan Gavazzi : Cela n’a rien d’étonnant. Il s’agit juste d’une démonstration de plus de la politique vaccinale habituelle de notre pays. Depuis des décennies, absolument rien n’est fait pour aller vers les personnes âgées. Elles ne font tout simplement pas partie de l’équation. Alors, forcément, lorsqu’il a fallu commencer à vacciner nos aînés contre le Covid-19, personne n’a su comment faire. Dans les premiers mois de la campagne, nous avons pourtant alerté les pouvoirs publics sur l’absence d’organisation pour aller vers les personnes âgées. Ils nous ont donc invités à organiser des équipes mobiles, mais ça s’est arrêté là… Il a fallu se battre, à notre échelle, pour vacciner les aînés contre le Covid. Certains pays européens, comme le Portugal ou l’Espagne, sont rapidement montés à une couverture vaccinale de 100 % pour la tranche des plus de 80 ans. Cela s’explique tout simplement par le fait que ce sont des pays qui prennent en compte leurs aînés. En France, cette population n’est pas considérée, et même complètement délaissée. C’est ancré dans notre culture. L’enquête qui vient de sortir sur les mauvais traitements des résidents en Ehpad n’est qu’une preuve de plus de ce mépris…
Pourtant, des opérations d’aller-vers sont organisées…
Pr G. G. : Oui, mais elles sont inadaptées. Sur les quelques millions de personnes de plus de 80 ans en France, 20 % ont des problèmes de dépendance physique complète. Ce chiffre monte à 30 % pour la dépendance à certaines activités instrumentales de la vie quotidienne telle que l’utilisation du téléphone. Pourtant, c’est le moyen que les pouvoirs publics ont choisi pour contacter les plus de 80 ans. Bien souvent, les appelants ne savent même pas où habitent les personnes qu’ils contactent et ne sont pas au courant de leurs potentiels troubles cognitifs. Très souvent, ce type de communication s’avère inefficace. Nous estimons qu’environ un appel sur trois n’aura servi à rien. Avec un tel système, nous arrivons très vite aux 500 000 personnes de plus de 80 ans non vaccinées. Ce qui est fou, c’est qu’aucune solution n’a été trouvée encore. Ils n’ont même pas jugé nécessaire d’envoyer des courriers. Cela montre bien qu’on ne s’était jamais posé la question avant, sinon nous aurions su comment nous adapter.
Quelles pistes d’amélioration suggérez-vous ?
Pr G. G. : Avant toute chose, il faut des moyens. Le milliard d’euros qui a été dépensé pour des dépistages inutiles aurait pu être consacré à renforcer la vaccination des personnes fragiles. Cela aurait eu un effet direct sur la couverture vaccinale de cette population. Ensuite, il faut faire du marketing social afin de renseigner vraiment le citoyen autour de ces maladies à prévention vaccinale. Nous rencontrons des gens qui n’ont jamais su qu’ils avaient besoin de tel ou tel vaccin. En France, par exemple, le vaccin contre le zona fait l’objet d’une recommandation nationale depuis cinq ans. Pourtant, nous sommes aujourd’hui à moins de 3 % de personnes vaccinées dans notre pays. En Angleterre, en un an, ils sont passés de 0 à 63 % de couverture vaccinale. Pour changer cela, il va falloir passer par les médecins, les informer. Actuellement, moins de 20 % sont au courant que cette vaccination est possible. Le rôle des médecins est donc primordial. Mais ils sont un peu perdus car ils n’ont pas suffisamment été formés pour ces actions de prévention et d’éducation thérapeutique. En tout et pour tout, ils ont dû recevoir dix heures de formation pendant leurs études. Une très petite minorité de généralistes ont recours aux entretiens motivationnels autour de la vaccination. C’est normal puisque cet entretien dure environ 30 minutes et qu’il est rémunéré 25 euros. Pour que les médecins y aient recours, il faudrait leur en donner les moyens.
« Les opérations d'aller-vers pour vacciner les personnes âgées sont inadaptées »
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