Les députés de la commission des Affaires sociales ont débattu ce mercredi 5 mars de la proposition de loi sur la profession d'infirmier, portée par Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République, Maine-et-Loire), en co-rédaction avec son président Frédéric Valletoux (Horizons). Adoptée à l’unanimité, elle a toutefois été amendée, avant son passage en séance publique le lundi 10 mars.
Le texte définit quatre missions socles de la profession : la réalisation de soins et leur évaluation, le suivi du parcours de santé, la prévention et la participation à la formation. Si ce n’est pas une « grande loi », comme l’ont pointé de concert l’écologiste Henrick Davi et Frédéric Valletoux, il s’agit toutefois selon ce dernier d’une « première pierre » posée, face à la pression des élus et des patients, pour qui les 600 000 infirmiers (dont 135 000 libéraux ou en activité mixte) sont parfois les seuls professionnels de santé accessibles sur le territoire. Et dont les Français sont nombreux – 85 %, précise la rapporteure – à plébisciter une extension de leurs missions.
Ne pas opposer médecins et infirmiers
« Il s’agit aucunement de concurrencer les médecins dans leur champ de compétences », a posé d’emblée Nicole Dubré-Chirat. Car les échanges en commission ont beaucoup porté sur l’évolution de la profession et sur l’introduction d’une « consultation infirmière » dans l’article L416-1 du Code de la santé publique. Épidermique pour la profession médicale, ce sujet a fait l’objet de plusieurs amendements de précision qui, par leur technicité, ont montré la complexité du problème et la porosité de la frontière entre ce qui relève du champ médical et ce qui relève du champ paramédical.
La consultation infirmière a donc été supprimée du texte avec l’accord de la rapporteure, le député MoDem Cyrille Isaac-Sibille argumentant que « médecins et infirmiers ont leurs missions propres » et que la consultation infirmière telle qu’inscrit dans la proposition de loi relève de l’exception à l’exercice illégal de la médecine, ce qui la fragilise. Ainsi, en rejetant cette partie du texte, « il n’y a donc pas d’interférence et pas de flou », a-t-il défendu dans son amendement travaillé avec quatre organisations et syndicats infirmiers.
« C’est en vertu de ce rôle propre que l’infirmier peut être conduit à proposer des consultations infirmières, dont il conviendra de préciser le périmètre, mais qui pourraient inclure, par exemple, le traitement des plaies simples », peut-on lire dans l’exposé des motifs de l’autre amendement de Nicole Dubré-Chirat également adopté. En revanche, lit-on, « il importe donc de reformuler [le texte] pour ne maintenir dans la dérogation à l’exercice illégal de la médecine que les prescriptions et actes médicaux qui auraient été délégués aux infirmiers, par exemple certaines vaccinations ». Un pas en avant, un pas en arrière.
Accès direct et prescription
Fidèle à son cheval de bataille, la rhumatologue Stéphanie Rist (EPR) a de son côté fait adopter un amendement d’expérimentation de l’accès direct aux infirmiers dans le cadre de ses missions socles, ce qui a eu pour effet de… remettre une pièce dans la machine à débattre sur la consultation infirmière. Mais la spécialiste a tenu à rassurer : « Les décrets seront très cadrés, avec une participation des médecins… Rien ne sera fait n’importe comment ». Et d’ajouter : « Le médecin restera au centre de la prise en charge, mais ne sera pas forcément le premier à voir le malade ». Reste que l’amendement précise bien que ce principe de « consultations infirmières autonomes », qui se passent d’une prescription médicale au préalable et sont réalisées dans le cadre d’un exercice coordonné, « existent depuis longtemps chez certains de nos voisins européens », comme le Royaume-Uni, la Belgique, la Suède ou la Finlande.
Autre sujet d’importance, le droit à la prescription des infirmiers, qui existe déjà dans certains cas « limités », devra faire l’objet d’un décret, après négociation avec la Cnam, sur le périmètre, a également argumenté la rapporteure du texte, qui ne souhaite pas de restriction dans le texte.
Une liste révisée tous les trois ans
Un avis sera demandé à l’Académie nationale de médecine sur les produits de santé et examens complémentaires pouvant être prescrits par les infirmiers, mais aussi la Haute Autorité de santé (HAS). La liste des produits de santé et examens complémentaires prescrits par les infirmiers sera révisée tous les trois ans.
En outre, les députés ont rejeté la possibilité pour l’infirmier de réaliser des actes sur prescription écrite « ou orale » du prescripteur. Nicole Dubré-Chirat argumentant qu’il n’est « pas acceptable » d’inscrire dans la loi cette notion d’oralité. Une procédure de reprise d’exercice après interruption de carrière a également été votée.
Dans un communiqué faisant suite à l’adoption du texte en commission, le syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) a appelé les parlementaires « à la vigilance et à la responsabilité : cette loi ne doit pas être dénaturée par des amendements qui en détourneraient l’objectif premier » tout en affirmant rester « en alerte », avant l’examen en séance publique la semaine prochaine.
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