Une expertise rapide en appui aux médecins traitants

À Nanterre, deux praticiens hospitaliers construisent un pont avec la ville

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Publié le 15/04/2019
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NANTERRE

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Vous allez porte 19 faire la radio des poumons. Une fois faite, vous vous rendez porte 15 au premier étage pour un examen de cardio et ensuite vous revenez ici. Ça vous va ? On fait ça ? »

Le calendrier fixé, Pascale Schneider, 57 ans dont neuf en hospitalisation de jour (HDJ), quitte sa patiente pour négocier un rendez-vous en gynécologie pour une autre. « À fond depuis 7 heures du mat' », l'infirmière du centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre a tenté la pause yaourt vers 10 heures, sans grand succès. Onze patients sont inscrits ce lundi de mars au planning de l'hôpital de jour du CASH. Ils sont prêts à passer une batterie d'examens pour – si tout va bien – rentrer le soir chez eux. Le bal des infirmières et des malades contraste avec l'ambiance feutrée de l'unité. 

« Dr House » version Nanterre

C'est ainsi qu'aiment travailler les Drs Anne Grasland et Emmanuel Mortier, praticiens hospitaliers rhumatologue et interniste de 53 et 57 ans en charge du centre Vi'Tal, structure implantée dans l'hôpital de jour de Nanterre et pont revendiqué entre l'hôpital et la ville.

Ouvert en octobre 2016, le centre Vi'Tal se présente comme un « centre ambulatoire de médecine interne » sur la plaquette à destination des généralistes des Hauts-de-Seine à la recherche d'un « avis rapide par mail ou téléphone en vue d'une orientation, une consultation, une hospitalisation de jour »« En ouvrant ce lieu, nous voulions offrir du temps aux médecins traitants en prenant en charge leurs patients qui réclament un diagnostic ou des soins mais pas forcément une nuit à l'hôpital et encore moins aux urgences », explique le Dr Mortier, qui s'autoqualifie en riant de « Dr House version Nanterre ».

Au centre Vi'Tal, l'hospitalisation de jour est déclenchée par un email du médecin traitant – ou, plus rarement, d'un spécialiste  – à l'intention des deux PH, détachés lundi et vendredi de l'hôpital Louis-Mourier (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) de Colombes, à 2 km de là. Ils traitent les demandes de prise en charge (entre 20 et 25 nouvelles par mois) quand ils le peuvent, sur leur journée de travail« ou le dimanche soir, quand le film est mauvais », sourit le Dr Mortier. 

Le dernier email reçu : un généraliste de Genevilliers sollicite pour un de ses patients de 69 ans « très précaire, isolé », diabétique et en rupture de soins, un fond d'œil, une consultation cardiologique et un rendez-vous dentaire. Les deux médecins du CASH s'engagent à le recevoir dans les sept jours et à tenir informé leur confrère. « Tout l'intérêt du centre Vi'Tal est que le médecin traitant est le coordonnateur de l'hospitalisation de jour, insiste le Dr Mortier. Lui seul peut convaincre son patient de venir nous voir. Il reprend ensuite la main. C'est seulement ainsi que la médecine ambulatoire à l'hôpital à un avenir : en travaillant avec la ville ! »

Travail en réseau

Et ça marche. En deux ans et demi, les deux PH ont fédéré un réseau de 119 médecins de ville – qui ont tous fait appel au moins une fois à leur service. 295 patients ont bénéficié sans dépassements d'honoraires du plateau technique, du laboratoire ou des consultations de spécialistes (diabétologue, cardiologue) du centre ambulatoire.

Si le centre Vi'Tal jouit du soutien de la direction de l'établissement, favorable au virage ambulatoire, le modèle économique propre à l'hospitalisation de jour (encadré) freine son développement. « Notre médecine est vertueuse mais moins rentable que la tarification à l'activité, il y a de quoi rendre un directeur schizophrène ! » peste le Dr Grasland. Certes, un confrère néphrologue pourrait bientôt assurer une vacation le mercredi. Mais c'est insuffisant au regard des besoins. Quid d'internes en renfort ? Le regard de la rhumatologue s'illumine : « Les jeunes pourraient voir la frontière entre la ville et l'hôpital et, surtout, apprendre à l'effacer. »

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9741