En une semaine, coup sur coup, la Cour des comptes puis la ministre de la Santé ont laissé entendre que les horaires d’ouverture des médecins libéraux posaient problème. Dans leur très controversé rapport sur l'avenir de l'Assurance maladie, les Sages réclament qu'une partie des rémunérations des médecins soit conditionnée au développement de la permanence des soins (PDS), à l’extension des horaires d’ouverture et à la réponse aux soins non programmés. Lors d'une réunion avec les acteurs du monde de la santé afin d’« anticiper la période hivernale » et éviter l'engorgement des urgences hospitalières, Agnès Buzyn a déploré « l'ouverture insuffisante des cabinets » : « J'ai d'ores et déjà indiqué aux différents syndicats de médecins libéraux que nous ne pouvions pas rester dans la situation actuelle. »
Un fait est avéré : depuis plusieurs années, le pourcentage des médecins volontaires pour la PDS est en baisse. En 2016, un rapport du Conseil national de l’Ordre faisait état de 63 % de praticiens volontaires et des réquisitions dans 21 départements. « L'implication des médecins reste fragilisée par plusieurs facteurs : une activité intense en dehors des horaires de PDS, une démographie médicale déclinante, une pyramide des âges inversée... », analyse l'Ordre dans ce document. Alors sans aller forcément jusqu'à un retour de l’obligation, abolie en 2003, le gouvernement s’apprête-t-il à rajouter une bonne dose de contrainte dans l’organisation de la PDS ?
Levée de boucliers
L’idée fait déjà bondir certains médecins, à l’image du leader de la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Paul Hamon. « J’ai déjà une amplitude horaire de 72 heures par semaine sans compter les gardes à la maison médicale de garde, donc qu’on ne vienne pas nous dire que nous ne sommes pas suffisamment ouverts. Sauf si l'objectif est de faire "caner" les médecins généralistes », s’emporte-t-il. Un point de vue partagé par ses confrères sur legeneraliste.fr, à l’image du Dr Joëlle D. : « Qui peut continuer à consulter jusqu’à minuit après une journée de 12 heures hyperchargée ? Tout cela n’est pas réaliste et réalisable. » Le Dr Thierry L., à Cerisy-la-forêt (Manche), enchérit : « Hors de question de refaire des gardes de nuit après une journée de travail harassante. »
Le sujet est très sensible chez les généralistes, à tel point que le Dr Hamon prédit déjà une levée de boucliers chez les médecins si le volontariat de la PDS venait à être remis en cause. « J’adorerais qu’ils le fassent. Ça fait tellement longtemps que les généralistes dorment, ça nous donnerait l’occasion de ressortir les banderoles », ironise-t-il. Et les premières réactions des généralistes semblent confirmer cet état d’esprit. « Si l'État décide de me contraindre à participer à la PDS, je reprendrai le combat et l'arme ultime, je déplaquerais », écrit ainsi le Dr Hervé G. de Douarnenez.
Le problème des soins non programmés
Si le débat agace autant, c’est aussi car il n’y a « pas de sujet », estime le Dr Luc Duquesnel, leader des Généralistes-CSMF. « Les réquisitions aujourd’hui c’est peanut, affirme l'ancien membre des coordinations. Les rares problèmes rencontrés localement sont surtout des problèmes de personnes. Mais sur le terrain les médecins se sont organisés avec les ARS, les hôpitaux… ». Le syndicaliste juge en revanche nécessaire de se pencher collectivement sur la prise en charge des soins non programmés. La ministre a justement annoncé le lancement d’une mission parlementaire sur le sujet, qui devrait livrer ses conclusions au printemps. « On voit bien qu’il y a des tranches horaires avec des afflux de patients. Il faut à la fois que l’hôpital renvoie davantage vers le médecin traitant et à la fois éduquer le patient », explique le Dr Duquesnel. Pour le Dr Stéphane P., de Barentin (Seine-Maritime), c’est effectivement par là qu’il faut commencer : « Sans éducation de la population au bon usage des urgences, nous aurons peu d'impact sur la situation décrite. Les Français ont pris l'habitude d'aller aux urgences sans nous demander notre avis », souligne-t-il. Sur la prise en charge des soins non programmés, la profession semble en tout cas prête à prendre le problème à bras-le-corps. « Nous devons être force de proposition et voir comment on peut radicalement modifier notre organisation professionnelle pour pouvoir avoir une patientèle de 20 à 25 % plus importante », avance le Dr Duquesnel.
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