Élus des territoires ruraux, plusieurs sénateurs issus de quatre groupes politiques différents (Parti socialiste, Union centriste, Les Indépendants-Territoires et Les Républicains) se sont montrés particulièrement offensifs, mardi soir, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé.
« Je ne comprends pas pourquoi...»
Comme les députés en mars, les élus, préférant le mot « régulation » à celui de « coercition », ont déposé une quinzaine d'amendements contraignants visant peu ou prou à restreindre la liberté d'installation des médecins libéraux.
Pendant plus d'une heure, les interventions, parfois très vives, se sont succédé pour « expérimenter » ou « imposer » le conventionnement sélectif dans les zones surdotées (sur le principe d'une nouvelle installation pour un départ), accolé le cas échéant à une modulation des remboursements Sécurité sociale.
Certains sénateurs ont rappelé que cet encadrement existe déjà pour plusieurs professions comme les infirmiers, les dentistes ou les orthophonistes. « Je ne comprends pas pourquoi les médecins ne pourraient pas faire l'objet de dispositions similaires », s'est exaspéré Jean-François Longeot, sénateur centriste du Doubs et secrétaire de la commission de l'aménagement des territoires.
Catastrophe sanitaire
D'autres élus ont pris Agnès Buzyn à témoin, plaçant le gouvernement face à ses responsabilités. « Vous avez là, Madame la ministre, une palette d'amendements sur le conventionnement sélectif. Cela témoigne d'un consensus nouveau qui va dans ce sens. Cela vaut peut-être le coup d'expérimenter », a lancé Céline Brulin, sénatrice communiste de la Seine-Maritime.
« Dans cette loi, on n'ose pas faire de la contrainte ! On se retrouvera dans quelques années avec des déserts médicaux qui auront augmenté... Et quand il y aura une catastrophe sanitaire, des morts, la population se retournera contre nous. Pourquoi ? Parce qu'il y a un dogme c'est la liberté d'installation », s'est écrié le sénateur socialiste du Doubs, Martial Bourquin. « Vous sous-estimez la gravité de la situation. Le sort de votre loi est en train de se jouer sur ces amendements », a alerté Raymond Vall, sénateur du Gers (Rassemblement démocratique social et européen).
Médecine à deux vitesses
Face aux critiques nourries sur son « absence de solutions » et sa « déconnexion de la réalité », Agnès Buzyn, ministre de la Santé, s'est défendue pied à pied, parfois très émue. « La douleur dans les territoires, vous n'êtes pas les seuls à la voir », a-t-elle rétorqué, reprochant aux sénateurs d'agiter des peurs. Elle a souligné qu'en médecine générale, la France n'a aucune zone surdotée. « Seulement 5 % des jeunes médecins veulent s'installer. Le conventionnement sélectif est une fausse bonne idée, cela va dégoûter les jeunes de l'exercice libéral », a-t-elle martelé.
Le président de la commission des Affaires sociales du Sénat, Alain Milon (LR, Vaucluse), a émis lui aussi un avis défavorable au conventionnement sélectif. Ce généraliste de formation a estimé que de telles solutions étaient « contre-productives » avec le risque de médecine « à deux vitesses » impliquant les assurances privées. Au cours du débat, le sénateur a simplement fait adopter le principe d'un renvoi à la négociation conventionnelle de la contribution des médecins à « la réduction des inégalités territoriales dans l'accès aux soins ». « C'est bien le minimum », s'est agacé Jean-François Longeot.
Des exonérations pour les jeunes... mais pas partout !
Si la coercition a été écartée, le Sénat a donné son feu vert à une exonération de cotisations sociales visant à l'installation rapide des jeunes médecins dans les déserts médicaux (dans un délai de trois ans après l'obtention de leur diplôme, exonération valable cinq ans). Mais cet avantage fiscal incitatif a été écarté pour les jeunes médecins qui s'installent en zones dites surdotées...
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