Dans un contexte fortement perturbé par la guerre en Ukraine, quatre candidats à l'élection présidentielle, Yannick Jadot (Europe Écologie-Les Verts), Anne Hidalgo (Parti socialiste), Fabien Roussel (Parti communiste français) et Valérie Pécresse (Les Républicains), ont accepté l’invitation de la Mutualité Française mardi 1er mars pour participer à leur « grand oral » sur la santé.
Les candidats à la magistrature suprême ont d’abord développé les grandes lignes de leur programme santé, avant de répondre à des questions ciblées des mutualistes. Les échanges étaient courtois, travaillés et attendus. À la hauteur des enjeux ?
Liberté d’installation, l’éternel débat
L’accès aux soins, grand sujet santé de l’élection présidentielle, a été abordé longuement pendant les échanges. Yannick Jadot (EE-LV) a rappelé que « près de huit millions de Français n’ont pas accès à un médecin, soit une commune sur trois… C’est un scandale ! » Pour l’écologiste, cette inégalité des territoires crée une division des Français et participe à la montée des populismes. Alors, ce dernier a proposé le conventionnement sélectif – élément déjà dans son programme – et, est même allé plus loin : « s’il y a besoin d’une obligation d’installation pour que les Français aient un égal accès aux soins, oui, j’assumerai cette position ».
De son côté Valérie Pécresse (LR) a exprimé son souhait de « mettre fin aux déserts médicaux », notamment en proposant le statut de « Dr junior » lors d'une quatrième année ajoutée à l'internat de médecine générale – idée portée à l’origine par le Pr Philippe Juvin pendant la primaire des LR. Ainsi, ces derniers auraient « autant d’années de formation que les spécialistes ». Et surtout, « cela permet de ne pas avoir d’obligation d’installation », a-t-elle tenu à ajouter. Elle souhaite parallèlement revaloriser la consultation à 30 euros et promet de « diviser par deux le délai pour avoir accès à des soins, à moins de 30 minutes de chaque Français ».
Même son de cloche du côté d’Anne Hidalgo (PS), laquelle veut former 15 000 médecins par an et, comme mesure d’urgence, utiliser la quatrième année d’internat comme « une année de professionnalisation des internes, pour aller dans ces déserts médicaux ». L’actuelle maire de Paris propose une rémunération de 3 500 euros et chiffre, d'ici 2025, 4 000 internes concernés.
Moins à l’aise sur le sujet, Fabien Roussel (PCF) a lui prôné l’idée selon laquelle on ne pourrait s’installer dans les zones denses que lorsqu’un médecin prendrait sa retraite – soit un conventionnement sélectif non-dit. Le communiste a également cité l’exemple de sa commune de Saint-Amand-les-Eaux (Nord), où il a réussi à « faire venir quatre médecins, alors que six étaient partis à la retraite », expliquant qu’il faut « leur donner envie de s’installer », en partant « de ce qu’ils ont dans la tête », soit un exercice différent de leurs aînés.
Les Ehpad s’invitent au cœur des échanges
Spontanément, les candidats ont évoqué les récentes révélations sur les conditions de vie en Ehpad. Valérie Pécresse a appelé de ses vœux un « cahier des charges plus contraignant », soutenant également le maintien à domicile des personnes âgées. Admettant volontiers qu’il y a des problèmes de recrutement dans ces structures, la candidate LR a rappelé qu'elle avait comme objectif une « hausse de 10 % des salaires nets sur le quinquennat », ce qui pourrait créer plus d’attractivité selon elle.
« Le vieillissement et la perte d’autonomie ne peuvent pas être une perte de dignité », s’est ému Yannick Jadot, lequel affirme qu’il interdirait les Ehpad privés à but lucratif s’il était élu. Soulignant « la relation au vieillissement et à la mort compliquée » en France, le député européen a insisté : « ces établissements ne doivent pas être des îlots dans notre imaginaire ». L’objectif fixé lors de son quinquennat sera de huit soignants pour dix résidents. Il s’est également déclaré favorable à l’euthanasie.
Critiquant le capitalisme, Fabien Roussel a affirmé que « la santé est marchandisée », parlant de « profits immenses, jusqu’aux Ehpad ! » S’il faut embaucher 300 000 personnes pour prendre soin des anciens, il s’engage à « former, embaucher et y mettre les moyens ». Sur la fin de vie, il dit en filigrane être favorable à l’euthanasie, mais souhaite une consultation citoyenne (grand débat, référendum ?) pour que la société y pense tout entière.
La santé environnementale à la mode
« Cancers pédiatriques, maladies chroniques en hausse de 40 % en ALD en 10 ans » Yannick Jadot a déroulé son programme santé, y mêlant la crise écologique et le « cocktail de molécules polluantes ». Il faut « sortir du déni » selon lui, et faire plus de prévention, « pour ne pas tomber malade », en augmentant le budget dédié, actuellement de 1,8 %. L’ancien militant de Greenpeace a également parlé de santé au travail, indiquant que « le concept de santé humaine, animale et environnementale sera structurant dans les années à venir ».
Les autres candidats lui donnent raison : Anne Hidalgo, se définissant comme « une bonne sociale-démocrate » veut rétablir « la politique de santé publique que nous n’avons pas », notamment en y incluant la santé environnementale. La grande cause de son quinquennat ? La pédopsychiatrie et plus largement la santé mentale. Elle appelle à une « société qui prend soin des autres ».
Valérie Pécresse va dans le même sens et espère faire gagner trois ans d’espérance de vie aux Français en dix ans grâce à une « politique de prévention globale », s’appuyant sur les collectivités territoriales.
L’hôpital public, combat de tous
Autre sujet de propositions : l’hôpital public. Yannick Jadot veut sortir de la logique de « rentabilité » et recruter 100 000 infirmiers et aides-soignants. Même constat chez Anne Hidalgo, qui fustige « la loi Xavier Bertrand » et veut changer l’Ondam : « partir des besoins de santé de la population en associant les territoires ».
Valérie Pécresse souhaite, elle, faire évaluer l'hôpital par les usagers, anonymement, et, en tirer « une partie de la tarification », pour voir quels services fonctionnent ou non, parlant même de « performance publique », sur « le délai de soins et la qualité de l’accueil », principalement.
Sur les mutuelles, sans surprise, aucun candidat - y compris Fabien Roussel - n'a remis en cause leur existence. Tous prévoient de les inclure dans les discussions, si, hypothétiquement, ils étaient élus.
Priorités des Français en matière de santé
Une enquête réalisée entre le 26 janvier et le 2 février par Harris Interactive pour la Mutualité française montre que « l’accès aux soins pour tous » apparaît, pour les Français, comme le sujet prioritaire à aborder au cours de la campagne présidentielle. Le deuxième thème d'intérêt majeur est le financement de la protection sociale pour 14 % des enquêtés. La gestion des crises sanitaires se place en troisième position (13 % des enquêtés). La Mutualité française révèle par ailleurs « qu’aucun candidat ne recueille la confiance majoritaire de la part des Français pour faire des propositions en vue d’améliorer le système de santé ».
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