Quelques heures seulement après la remise du rapport Mesnier sur les soins non programmés, les premières réactions se font entendre. Le député LREM de Charente préconise une mobilisation accrue des généralistes. Mais la profession martèle que l'activité des médecins de famille est déjà assez soutenue. « Demander aux médecins de travailler plus alors qu'ils font déjà 55 heures par semaine est une erreur gravissime », estime le patron de la FMF, le Dr Jean-Paul Hamon. Le président de l'UFMLS, le Dr Jérôme Marty n'est pas non plus tendre avec le jeune médecin urgentiste auteur de ce rapport, qu'il qualifie d' « insultant pour la médecine générale ».
Moyens incertains
Pour les libéraux, ce rapport pose tout d'abord la question des moyens. Thomas Mesnier propose certes de valoriser les médecins participant à la continuité des soins au sein d'organisations collectives dans les territoires mais « oublie les regroupements qui ne sont ni des maisons de santé, ni des centres de santé », constate le Dr Hamon. Ce dernier avoue « en avoir marre du tout MSP ». Le président du SML le Dr Philippe Vermesch l'affirme :« Si on ne revalorise pas les tarifs, cela ne marchera pas ».
Le Dr Antoine S. a également réagi en ce sens sur legénéraliste.fr : « Ils vont nous pondre un cahier des charges dont on aura jamais le temps d'aller jusqu'au bout. Faire simple en revalorisant le C à 45 euros et le V à 70 euros : ça ils n'en veulent pas ! Et pourtant, voilà le sésame pour que les jeunes et moins jeunes reprennent du cœur à l'ouvrage ! »
Le projet de revalo de la visite salué
Le président de MG France, le Dr Jacques Battistoni, pense pour sa part qu'il faudrait « lever des financements pour accompagner les porteurs de projets qui répondent à la demande de soins non programmés au niveau local ». Le généraliste se félicite toutefois de la piste de revalorisation de la visite à domicile (aujourd'hui à 35 euros) inscrite par Thomas Mesnier dans le rapport. Le syndicat, qui demande une revalorisation à 70 euros pour les personnes dépendantes demande à ce que désormais, « l'Assurance maladie s'engage pour une revalorisation progressive ».
La proposition de Thomas Mesnier de libérer des demi-journées sans rendez-vous organisées au niveau des territoires ne fait pas non plus consensus. « L’urgence est à la relance de l’attractivité de la médecine générale libérale, pas à rechercher des demi-journées alors même que les médecins en exercice croulent sous les demandes », estime le Dr Marty. « Cela entraînerait plus de négociations au téléphone pour les secrétaires et de rendez-vous décalés » prévient le Dr Hamon.
Pour le Dr Battistoni, ces consultations de soins non programmés remboursées toutefois comme une consultation avec le médecin traitant, comme le propose le débuté Mesnier, ne doivent pas devenir un moyen de « contourner le médecin traitant ». Une inquiétude que partage le patron du SML, même si ce dernier estime que le rapport va « globalement dans le bon sens ».
Demi-journées dans RDV, une mauvaise idée
Le président de ReAGJIR (jeunes généralistes et remplaçants), le Dr Yannick Schmitt, est aussi mesuré. Dans l'ensemble, il trouve les 19 mesures « intéressantes, notamment celles qui concernent l'exercice pluriprofessionnel et le travail en équipe pour les soins non programmés » mais se montre plus critique quant au retour de demi-journées sans rendez-vous. « Avec la digitalisation, on peut faire aussi bien voire mieux en restant sur rendez-vous », estime-t-il.
On oublie le médecin traitant pivot blabla. On crée une plateforme gérant des agendas de médecin, on les partage, on organise des soins non programmés ,on est labellisé ARS, subventionné et le médecin paie l’abonnement. Ne me remerciez pas . Doctolib sabre le champagne ce soir https://t.co/CfozlLDqV2
— Dominique Thiers-Bau (@DominiqueThier1) 22 mai 2018
Le problème du manque de temps est aussi souligné par un internaute, le Dr Sylvain G. : « Et la plage horaire, je la mets où ? la nuit ? (...) L'autre solution serait d'expliquer à nos concitoyens que non, une gastro-entérite chez adulte en bonne santé n'est pas une urgence ». Le rapport comporte d'ailleurs des propositions de renforcement de l'éducation des patients. Ce travail sur « l'urgence ressentie et l'éducation à la santé » est salué par le Dr Yannick Schmitt.
Inquiétudes autour du numéro unique et du retour de la PDSA obligatoire
L'idée d'un numéro unique de santé avec le 15, lancée par Thomas Mesnier, est aussi une préoccupation pour la profession, qui demande un numéro dédié seulement aux soins non programmés via le 116 117. « Les patients appellent aussi bien le 15 pour une urgence vitale que pour demander quelle est la pharmacie de garde, observe le président de la CSMF le Dr Jean-Paul Ortiz. Plus on met tout dans le même pot, plus il sera difficile de trier les prises en charge adéquat et séparer les urgences réelles des appels superficiels. »
La menace d'un retour de la permanence des soins (PDSA) obligatoire n'est pas une piste privilégiée par le rapport Mesnier. Pourtant, les médecins restent attentifs : « L'engagement collectif au niveau d'un territoire reste envisageable mais nous restons prudents quant à une éventuelle obligation », avise le Dr Ortiz. Pour le Dr Battistoni, « si le problème de la continuité des soins est réglé, il n'y aura plus de problème de PDSA car les patients auront consulté au maximum en journée ».
« Je ne parle jamais d'obligation dans le rapport mais je rappelle le principe fort de la responsabilité territoriale des professionnels de territoire de santé en matière de prise en charge des premiers soins » Quand tu sens que ça commence à cramer @MESNIERThomas pic.twitter.com/kMCjAHf8J8
— Christian Lehmann (@LehmannDrC) 23 mai 2018
A contrecourant des syndicats seniors plutôt critiques vis-à-vis du rapport, le président de ReAGJIR, le Dr Schmitt, affirme pour sa part que « cela faisait longtemps qu'un rapport avec une connaissance aussi fine du terrain n'avait pas été rendu ». Il n'est pas le seul satisfait. « Enfin un programme et des propositions », se félicite l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), qui demande un financement forfaitaire annuel des centres de santé qui prendront part à la continuité des soins, à la place des paiements à l'acte.
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