Les vaccins sont-ils efficaces sur la circulation des pathogènes ?
Parmi les vaccins qui ciblent des maladies à transmission interhumaine, la plupart, comme les vaccins anti-Covid, protègent davantage des formes graves d’infection que de la contamination. Certains vaccins peuvent toutefois réduire le portage des pathogènes, et ainsi leur circulation, par une action locale. « Par exemple, pour les infections à pneumocoque, on sait que le portage est rhinopharyngé, que c’est par cette zone qu’on s’infecte et qu’on excrète la bactérie : c’est sur cette muqueuse que le vaccin agit », explique le Pr Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations. D’où l’intérêt de vaccins locaux comme le vaccin antigrippal nasal. Contre le Covid-19, un vaccin de ce type est en développement.
Mais des vaccins injectables peuvent également agir sur les muqueuses, à l’instar du vaccin contre le papillomavirus, note le Pr Floret. Les vaccins Covid actuels, eux, ne parviendraient toutefois à réduire que partiellement le portage du SARS-CoV-2. Ainsi, pour freiner la circulation du virus, atteindre des couvertures vaccinales importantes reste nécessaire.
Quelle est la durée de protection conférée par les vaccins ?
« Généralement, en présentant à l’immunité de nombreux antigènes, les vaccins vivants entraînent une immunité à vie », affirme Pierre Tattevin, président de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf). Ainsi, quand l’ancien vaccin entier contre la coqueluche a été remplacé par un nouveau vaccin acellulaire, la durée d’efficacité vaccinale a été réduite, raconte l’infectiologue.
De plus, la durée d’efficacité d’un vaccin est conditionnée par la maladie ciblée. Notamment, une durée d’incubation longue laisserait aux cellules B mémoire le temps de resynthétiser des anticorps, explique le Pr Floret. Les autres vaccins nécessitent souvent des rappels réguliers.
À noter que dans le Covid comme pour de nombreuses vaccinations (hépatite B, DTP, etc.), une injection supplémentaire quelques mois après la première est souvent nécessaire. Un délai qui correspondrait au temps de maturation du système immunitaire, selon Daniel Floret.
Homologues ou hétérologues, quels sont les schémas vaccinaux les plus efficaces ?
« Dès l’arrivée des vaccins Covid, on a voulu savoir si ces produits étaient interchangeables en cas de tension d’approvisionnement », se souvient le Pr Floret. Résultat : les séquences vaccinales initiées par un vaccin à adénovirus (AstraZeneca ou Janssen) et poursuivies par un vaccin à ARNm (Pfizer ou Moderna) s’avèrent autant, voire plus efficaces que les schémas homologues.
Cela pourrait s’expliquer par les compositions différentes des vaccins, qui permettraient de varier les stimulations, explique le Pr Tattevin. Du fait de ce rationnel physiopathologique, des schémas hétérologues ont d'ailleurs été testés d'emblée dans des recherches concernant d'autres vaccinations pour lesquelles un effet sur plusieurs cellules immunitaires est attendu, telles que la vaccination contre le VIH.
Faut-il adapter les vaccins aux variants ?
Pour le moment, le seul vaccin qui nécessite une adaptation régulière est le vaccin antigrippal. « Plusieurs sous-types différents de virus grippaux circulent et, chaque année, l’OMS prévoit lequel sera dominant dans l’hémisphère nord pendant l’hiver », rappelle le Pr Tattevin.
Contre le Covid, il semble qu’on s’oriente vers une actualisation régulière au fil de l’apparition de mutants susceptibles d'échapper à l'immunité. Une stratégie qui devra être testée « car il n’est pas sûr que ces nouveaux vaccins feront mieux contre les variants », prévient le Pr Floret, évoquant un phénomène décrit dans le cadre de la vaccination antigrippale. « Lorsqu’on vaccine un sujet contre une première souche de virus, puis qu’on le revaccine contre un nouveau sous-type, il arrive que la réponse reste dirigée contre le virus initial, comme si la première stimulation primait. »
La technologie ARN, nouvel élan pour la vaccinologie ?
L’arrivée de vaccins anti-Covid à ARNm a été saluée comme une révolution. Et pour cause : cette technologie particulièrement adaptable permettrait d’actualiser, voire de développer entièrement des vaccins très rapidement.
Cependant, début novembre, lors d’une séance de l’Académie de pharmacie, le spécialiste des nanotechnologies Patrick Couvreur a tenu à rappeler que l’émergence de tels vaccins a été permise par des avancées qui ont concerné non seulement la construction des ARNm vaccinaux (très mises en avant), mais aussi la préparation de nanoparticules permettant à ces ARN d’entrer dans les cellules (peu soulignées). Si bien qu’un premier médicament à base d’ARN avait déjà obtenu, en 2019, une AMM pour la neuropathie amyloïde familiale à transthyrétine. « Ce qui était passé inaperçu », souligne le Pr Couvreur.
Quoi qu’il en soit, l’impact de la technologie semble déjà se faire sentir en vaccinologie : des résultats encourageants sur un candidat vaccin à ARNm antigrippal, et même sur un vaccin à ARNm expérimental anti-VIH, ont récemment été annoncés. De quoi raviver l’engouement des laboratoires pour la vaccinologie, espère le Pr Couvreur.
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