La Ciivise appelle vendredi à des « changements culturels considérables » contre les « silences » permettant aux pédocriminels d'agir, à trois jours de l'ouverture du procès de l'ancien chirurgien Joël Le Scouarnec, accusé d'avoir agressé sexuellement 299 jeunes patients. « Les carrières pédocriminelles sont construites, non par des monstres, mais par des silences successifs de tous les témoins », alerte la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
Lundi s'ouvrira à Vannes le procès de Joël Le Scouarnec, accusé d'avoir violé et agressé sexuellement près de 300 victimes dans divers hôpitaux où il a exercé pendant des décennies malgré des soupçons et sa condamnation en 2005 à quatre mois de prison avec sursis pour détention d'images pédopornographiques. Il s'agit de l'une des plus grandes affaires de pédocriminalité jamais jugées en France.
Appel à des changements culturels « considérables »
« Ce sont les silences successifs de tous qui ont fabriqué cette série de crimes, et non un criminel hors norme érigé au statut de monstre », estime la Ciivise. La commission chargée de conseiller le gouvernement sur les politiques de lutte contre la pédocriminalité appelle à des « changements culturels considérables ». « C'est à chaque témoin et a fortiori à chaque professionnel en responsabilité au sein d'une institution sanitaire, administrative ou judiciaire qu'il revient d'agir », alerte-t-elle. « Les actes pédocriminels sont souvent sériels : ils ne s'arrêtent pas d'eux-mêmes. Il est donc primordial de les interrompre dès la première alerte. Ici, comme souvent, c'est un inceste qui ouvre à une série innombrable de crimes », poursuit-elle.
Joël Le Scouarnec a déjà été condamné en 2020 à 15 ans de réclusion pour des viols sur sa jeune voisine et sur une nièce dans les années 1990 et pour des atteintes sexuelles sur une autre nièce et une jeune patiente à la même période. Lors de l'enquête, il avait fait remonter les premiers « attouchements », aux années « 1985-1986 », sur l'une de ses nièces. « Les premières violences sont restées dans la famille et n'ont pas fait l'objet de signalement : elles auraient dû être immédiatement transmises aux autorités judiciaires pour que le criminel soit arrêté », déplore la Ciivise.
Elle appelle en outre à « une particulière attention aux personnes victimes pendant le procès, une sollicitude et une bientraitance organisée envers elles ». « Les institutions qui n'ont pas su protéger doivent épargner les souffrances supplémentaires aux victimes », demande la commission.
Rétablir la vérité
De leur côté, trois nièces et une accusatrice de Joël Le Scouarnec, dont les faits pour deux des nièces ont été jugés à Saintes en 2020, demandent à « rétablir la vérité dans cette affaire ». Elles dénoncent le « silence » de l'ex-épouse du chirurgien, dans un communiqué transmis vendredi par une de leurs avocates, Me Nathalie Bucquet, qui intervient aussi pour Innocence en danger au procès de Vannes. Réagissant à l'interview publiée le 10 février par Ouest-France de l'ex-épouse de Joël Le Scouarnec dans laquelle cette dernière dit avoir tout ignorer, les quatre femmes assurent qu’« elle savait » et l'appellent à cesser « de fuir ses responsabilités ».
Elles rappellent aussi que « dénoncer des crimes et délits sexuels sur mineur est une obligation légale ». Six associations de protection de l'enfance – La Voix de l'Enfant, la Fondation pour l'Enfance, Innocence en danger, Enfance et Partage, L'Enfant bleu, et Face à l'Inceste – se sont portées partie civile au procès. Elles veulent « dénoncer les manquements graves qui ont permis à Joël Le Scouarnec d'agir en toute impunité pendant de nombreuses années », indiquent-elles. Enfance et Partage attend que « les responsabilités individuelles et institutionnelles soient mises en lumière » pour dégager « les améliorations nécessaires en termes de signalement et de suivi ».
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