Classiquement, les cliniciens opposent la douleur nociceptive, par exemple celle de l’arthrose, et les douleurs neuropathiques, notamment au cours du zona. En cas de douleur plus complexe, difficilement saisissable par le praticien comme au cours de la fibromyalgie ou de l’intestin irritable, par exemple, il était habituel de parler de douleur fonctionnelle ou psychosomatique.
En effet, depuis 1979, l’association internationale pour l’étude et le traitement de la douleur (IASP) définissait la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à des lésions tissulaires réelles ou potentielles, ou décrite comme telles ». Cette définition est aujourd’hui de plus en plus critiquée car elle ne correspond plus aux données acquises de la littérature.
Traiter le mal par le mal
Il se trouve que depuis l’Antiquité, on sait qu’une douleur quelconque peut être atténuée par une stimulation douloureuse plus forte appliquée sur un endroit différent du corps. Cette observation correspond au concept de contrôle inhibiteur diffus induit par stimulation nociceptive (Diffuse Noxious Inhibitory Controls). Une boucle neuronale rend compte de cette observation (1). En effet, une stimulation douloureuse intense dans une région du corps active un centre situé dans le bulbe rachidien pour inhiber en retour les neurones « à convergence » (Wide Dynamic Range) situés dans la moelle épinière et le système trigéminal. Cette inhibition engendre une diminution des informations nociceptives issues des autres régions du corps (2).
Ces données expliquent en partie les effets favorables de l'utilisation thérapeutique, dans le cas de douleurs chroniques, des techniques de neurostimulation périphérique de faible intensité et de fréquence élevée, délivrée par exemple au niveau des nerfs périphériques par application d'électrodes sur la peau. Le patient règle lui-même les stimulations en fonction de sa douleur. Le même mécanisme est mis à profit lorsqu'on se frotte vigoureusement la peau pour soulager la douleur déclenchée par une piqûre ou un traumatisme.
Douleur nociplastique
Depuis 2016, un nouveau terme est proposé pour décrire ces douleurs plus complexes. La douleur nociplastique correspond à environ 25 % des douleurs qui peuvent être ainsi qualifiées. Algie vasculaire de la face, glossodynie, syndrome de l’intestin irritable, fibromyalgie, algodystrophie sont caractérisés par une modification des systèmes nociplastiques, qui correspond à une altération de la modulation de la sensation douloureuse.
Il faut signaler que des études originales récentes évoquent les relations entre douleur nociplastique, système endogène de modulation du message douloureux et différents facteurs psychologiques (3,4)…
(1) Le Bars D et al. Diffuse noxious inhibitory controls (DNIC). I. Effects on dorsal horn convergent neurones in the rat. Pain 1979;6:283-304.
(2) Sprenger C et al. Douleur contre douleur : le principe des contrôles inhibiteurs diffus induits par stimulation nociceptive. Douleur et Analgésie 2015;28:206-11.
(3) Tesarz J et al. Altered pressure pain thresholds and increased wind-up in adult chronic back pain patients with a history of childhood maltreatment: a quantitative sensory testing study. Pain 2016;157:1799-809.
(4) Shigetoh H et al. The mediating effect of central sensitization on the relation between pain intensity and psychological factors: A cross-sectional study with mediation analysis. Pain Res Manag 2019;2019:3916135.
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