FRÉQUENTES dans les populations des deux sexes, les néoplasies intraépithéliales anales (NIA) de bas grade sont des lésions à risque de carcinogenèse, rappelle Joel Palefsky. Des études de populations ont mis en évidence une prévalence élevée de ces lésions chez les homosexuels masculins qu’ils soient séronégatifs ou séropositifs pour le VIH : respectivement 25 % et 43 %. Les femmes sont moins touchées : des NIA sont présentes chez 9 % des patientes infectées par le VIH et 8 % des femmes VIH séronégatives atteintes ou non de néoplasie intraépithéliale cervicale, vulvaire ou vaginale.
Dépister les infections anales à HPV ?
Évoquant la question de l’opportunité d’un dépistage des infections anales à HPV et de son efficacité, Laurent Abramowitz note que « l’histoire naturelle des NIA est mal connue » et que, par manque de données, les messages des pouvoirs publics sur la conduite à tenir dans ce domaine diffèrent. Pour les spécialistes, elle repose sur la cytologie, l’anuscopie haute résolution (AHR), la biopsie et le traitement dans les populations à risque (imiquimod topique et/ou destruction chirurgicale). Outre le grand nombre de perdus de vue lors du suivi (50 % à 80 %), ces recommandations présentent des limites liées à l’AHR (accessibilité difficile, nécessité d’un apprentissage, examen chronophage). En France, le dépistage de ces infections est recommandé chez les patients infectés par le VIH (1). Pour l’optimiser, l’équipe de Laurent Abramowitz propose de pratiquer une anuscopie en première intention et de réserver l’AHR aux sujets à très haut risque. D’autres outils pourraient améliorer le dépistage anal dans les populations à risque comme le génotypage des HPV.
La prévention des NIA « est focalisée sur les vaccins prophylactiques HPV », explique Joel Palefsky. Le vaccin quadrivalent a d’ailleurs été approuvé récemment par la FDA américaine dans la prévention des NIA et du cancer anal liés aux HPV chez les sujets des deux sexes. Le rationnel de cette stratégie s’appuie sur la responsabilité des HPV, principalement de type 16, dans la survenue d’un pourcentage élevé des cancers anaux, comme le rapporte Nicolas Wentzensen.
HPV et cancers péniens.
Les HPV sont impliqués dans diverses lésions péniennes : des condylomes, des lésions précancéreuses et cancéreuses (carcinome à cellules squameuses). « Les cancers invasifs du pénis sont rares et rendent compte de moins de 0,5 % de tous les cancers masculins », explique Anna Giuliano. Aux États-Unis, leur incidence annuelle est de 0,81 pour 100 000. En Europe, le nombre annuel de nouveaux cas attribuables aux HPV est de 1 356 pour tous les types et de 1 593 pour le HPV 16, note Stina Syrjänen. Une plus forte incidence des cancers péniens est observée dans les régions où celle du cancer du col est élevée. Ils peuvent alors représenter jusqu’à 10 % de l’ensemble des cancers chez l’homme. En revanche, leur incidence est très faible dans les populations juives qui pratiquent la circoncision néonatale. Les tests HPV ADN sont positifs dans 45,4 % des cancers du pénis, avec une prévalence qui varie selon les types viraux avec, en tête, le HPV 16 (60,2 %), suivi des HPV 18 (13,3 %) et 6/11 (8,13 %).
Les lésions vulvaires HPV+
Les types de HPV prédominants dans les néoplasies intraépithéliales vulvaires (VIN) varient selon le grade : HPV 6 dans les lésions de bas grade et HPV 16, 31 et 6 dans celles de haut grade. L’efficacité du vaccin quadrivalent atteint 100 % dans les VIN dus aux types vaccinaux, explique Elmar Joura. En ce qui concerne les cancers vulvaires attribuables au HPV, le nombre de nouveaux cas attendus en Europe est de 2 871 pour tous les types confondus et de 2 601 pour les HPV 16 contre 7 106 pour les cancers quel que soit le statut HPV. Chez les femmes, comme chez les hommes, la majorité des cancers HPV positifs est liée aux types 16 et 18 et pourrait donc être prévenus par la vaccination, estime Stina Syrjänen.
D’après les communications de Joel Palefsky (université de Californie, San Francisco, États-Unis), Laurent Abramowitz (unité de proctologie médico-chirurgicale, groupe hospitalier Paris-Nord,) Nicolas Wentzensen (National Cancer Institute, Rockville, États-Unis), Anna Giuliano (centre anticancéreux Lee Moffitt, Tampa, États-Unis), Elma Joura (université médicale de Vienne, Autriche), Stina Syrjänen (université de Turku, Finlande).
(1) Rapport 2010 sous la direction du Pr P. Yéni. Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH. Recommandations du groupe d’experts. La documentation Française, ministère de la Santé et des Sports.
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_2010_sur_la_prise_en_charge_me…
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