DES TRAVAUX antérieurs avaient montré qu’une courte période de jeûne était capable de protéger les cellules normales des souris des effets toxiques de différents agents chimiothérapeutiques. Le jeûne protège les cellules normales, qui réattribuent l’énergie vers les voies d’entretien, mais il ne protège pas les cellules cancéreuses. Ce mécanisme de résistance au stress différentielle (DSR), déclenchée par la réduction du glucose extracellulaire et la baisse du signal IGF-1, pourrait avoir des applications dans le traitement du cancer.
Mais le potentiel thérapeutique du jeûne pourrait être encore plus important s’il avait un impact sur la mort des cellules cancéreuses.
C’était justement l’objet des travaux menés par Lee, Longo et coll. qui ont étudié l’effet du jeûne sur la survie des cellules cancéreuses, en association ou non à une chimiothérapie. Dans des expériences in vitro, des lignées cellulaires de différents types de cancers ont été mises en incubation dans du sérum issu soit de souris alimentées, soit de souris à jeun depuis deux jours. Les auteurs montrent que le jeûne sensibilise la majorité (15 sur 17) des lignées de cellules cancéreuses à la doxorubicine (DXR) et au cyclophosphamide (CP). Dans des travaux expérimentaux menés chez des souris porteuses de tumeurs sous-cutanées de cancer du sein, de mélanome ou de gliome, le jeûne (2 cycles) sans chimiothérapie est capable de ralentir la croissance tumorale, dans certains cas aussi efficacement que deux cycles de chimiothérapie (CP ou DXR).
Mais l’effet thérapeutique du jeûne est plus marqué lorsqu’il est associé à la chimiothérapie : le jeûne (2 cycles) augmente l’efficacité de la chimiothérapie (CP ou DXR) contre des cellules cancéreuses du sein, du mélanome, du gliome. Il permet en outre d’administrer aux souris des doses supérieures de chimiothérapie, qui sinon auraient été létales.
En association à la chimiothérapie, le jeûne (2 cycles) permet un allongement de la survie sans cancer et la guérison de 40 % des souris ayant un neuroblastome métastatique et de 25 % des souris ayant un autre type de neuroblastome métastatique plus avancé. Chez les souris traitées par la seule chimiothérapie, la mortalité est de 100 % dans les deux types de neuroblastomes.
Des essais de phase I.
Des travaux menés sur une lignée de cellules de cancer du sein ont permis de mieux cerner les mécanismes d’action du jeûne. Les cellules saines privées de nutriments entrent dans un état dormant similaire à l’hibernation, tandis que les cellules cancéreuses soumises au jeûne cherchent à fabriquer de nouvelles protéines pour continuer de grandir et de se diviser. Cela entraîne toute une cascade d’événements (phosphorylation accrue des kinases AKT et S6 sensibilisant au stress, stress oxydatif accru, clivage de la caspase-3) qui conduisent à des lésions d’ADN et à la mort cellulaire par apoptose. Pour le Dr Longo, à côté du recours à des médicaments qui tuent spécifiquement les cellules cancéreuses, une autre voie thérapeutique consiste à désorienter ces cellules en créant un environnement extrême, comme c’est le cas avec le jeûne, auquel seules les cellules saines sont capables de faire face rapidement.
Des essais cliniques de phase I évaluant des jeûnes de courte durée (2 jours avant la chimiothérapie, 1 jour après) pendant la chimiothérapie des patients cancéreux ont débuté à la Mayo Clinic aux États-Unis, à l’Université de Leiden aux Pays-Bas, et à l’USC Norris Cancer Center de Los Angeles. Les auteurs insistent sur le fait que le jeûne n’est pas proposé à tous les patients, en particulier à ceux ayant perdu plus de 10 % de leur poids corporel ou aux sujets diabétiques, chez lesquels il peut être associé à des risques.
Lee C et coll. Fasting cycles retard growth of tumors and sensitize a range of cancer cell types to chemotherapy. Science. Sci Transl Med 2012 Mar 7;4(124):124ra27. Epub 2012 Feb 8.
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