La décision est tombée au mois de septembre. Le Ministère de la santé a annoncé la radiation de l’Avastin de la liste des médicaments contre le cancer du sein métastatique en première ligne en association au paclitaxel ou à la capécitabine. Une décision contestable dans sa forme pour le professeur Gilles Freyer, directeur de l’Institut de cancérologie des hospices civils de Lyon. « Cette décision oblige les hôpitaux à financer ce traitement sur leur propre budget. La conséquence est que les cancérologues ont été contraints, pour des raisons uniquement financières et en aucun cas scientifiques, de cesser de prescrire ce médicament, pourtant sur le marché depuis 8 ans. Certains traitements en cours, efficaces, ont même été arrêtés, en l'absence d'indications de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) sur leur (non) prise en charge », affirme-t-il.
Failles de financements des médicaments
Pour le Pr Gilles Freyer, cette décision révèle ce qu’il estime être des failles de la politique de financement des médicaments du cancer. « Notre système n’est pas adapté pour faire face au défi de l’innovation thérapeutique et notamment à l’arrivée de l'immunothérapie. En particulier, l'évaluation repose sur un principe général de défiance, notamment vis-à-vis des experts ayant des liens d'intérêt avec l’industrie pharmaceutique. Or, seul un haut niveau d'expertise par pathologie permet une appréciation correcte de la globalité des progrès thérapeutiques. Cela suppose une forte implication en recherche clinique, donc une collaboration avec les Big Pharma. À l’instar des méthodes anglo-saxonnes, devenues notre horizon indépassable, notre société a fait le choix de l'expertise sans expert, de la défiance au détriment de la sollicitude, de la précaution au détriment du progrès. Il est bien regrettable que la plupart d'entre nous soient considérés comme des gens a priori malhonnêtes ».
« On demande à la Commission de la transparence d'analyser des études, mais pas de les mettre en perspective. La vision incrémentale des progrès en cancérologie est ignorée. Ces dernières décennies pourtant, ces progrès ont été majeurs. Par exemple, lorsque j’étais interne en 1995, la médiane de survie pour le cancer du côlon métastatique était de 10 à 11 mois. Aujourd’hui, elle est de 36 mois en moyenne. Dans les années 1970, la médiane de survie pour le cancer de l’ovaire avancé était de 11 mois contre 55 à 60 mois aujourd’hui. Ces progrès ont été rendus possibles par une succession d’avancées obtenues notamment par des médicaments qui auraient certainement été classés AMSR 5 (absence de progrès) par la commission de la transparence », affirme le Pr Freyer.
Ce dernier mentionne aussi la « religion des indicateurs médico-économiques quantitatifs et de l’essai randomisé comme fondateur d'un absolu : l'evidence-based medicine. Or, « evidence » ne signifie pas preuve et à peine 10 à 15 % des patients participent à des essais cliniques, qui ne sont vraiment pas extrapolables à la vraie vie et inadaptés à la médecine personnalisée ».
Face au débat suscité par le coût des nouvelles molécules, le Pr Freyer souligne que les médicaments du cancer représentent aujourd’hui moins de 2 % des dépenses de l’Assurance-maladie. « Et puisqu'il est question d'économies, pourquoi ne pas se poser d'abord, par exemple, la question du coût de fonctionnement du système de santé et notamment des agences de l'État, dont les redondances ont été maintes fois soulignées mais jamais corrigées, ou des ARS qui nous inondent d'audits sans intérêt mais ne s'évaluent jamais elles-mêmes ? ».
D'après un entretien avec le Pr Gilles Freyer, directeur de l'Institut de cancérologie des hospices civils de Lyon
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