Parmi la centaine de souches de la famille des papillomavirus (HPV), certaines sont impliquées chez les hommes dans la survenue des cancers de l'oropharynx, de l'anus et du pénis.
La Haute Autorité de santé (HAS) a élargi la vaccination aux garçons depuis décembre 2019. Le vaccin, très efficace et bien toléré, est ainsi recommandé chez tous les adolescents, garçons et filles, entre 11 et 14 ans, avant les premiers rapports, avec un rattrapage pour les 15-19 ans et jusqu’à l'âge de 26 ans pour les homosexuels garçons et/ou les immunodéprimés. Quelque 50 sociétés savantes recommandent le vaccin HPV, ce qui est suffisamment rare pour être mentionné.
Environ 1 200 cancers de l'oropharynx imputables aux HPV chaque année
Sur les quelque 15 000 cancers ORL diagnostiqués chaque année, toutes causes confondues, 3 000 d'entre eux touchent la région de l'oropharynx et parmi eux, 40 % sont liés aux papillomavirus (50 % en région parisienne). « On compte ainsi 1 200 cancers de l'oropharynx dus au papillomavirus, les sites les plus touchés de l'oropharynx étant l'amygdale et la base de langue, au niveau du tissu lympho épithélial », précise le Dr Philippe Gorphe, ORL au département de cancérologie cervico-faciale de l'Institut Gustave Roussy. Or l'incidence des cancers de l'oropharynx augmente. Même s'ils sont de meilleur pronostic que les autres tumeurs ORL, ces cancers ont une influence délétère importante sur la qualité de vie.
Les signes d'appel sont classiques : le plus souvent, c'est une douleur pharyngée (angine qui traîne) ou un ganglion cervical de taille anormale et persistant qui donnent l'alerte. « Une douleur angineuse qui ne cède pas au traitement médical sous deux ou trois semaines, doit faire évoquer un carcinome, même chez quelqu'un qui ne fume pas et ne boit pas d'alcool. Il ne faut pas hésiter à envoyer ce patient chez l'ORL pour éviter tout retard au diagnostic », explique le spécialiste. Fibroscopie et/ou scanner avec injection complètent le diagnostic clinique.
Suivi nutritionnel indispensable
« Le traitement repose soit sur la chirurgie (surtout en cas d'atteinte osseuse associée) avec une radiothérapie complémentaire, soit sur la radiothérapie d'emblée associée à une chimiothérapie en cas de grosses tumeurs ou d'atteinte ganglionnaire », indique le Dr Gorphe. La chirurgie robotique permet de retirer la tumeur en passant par la bouche, sans faire d'ouverture au niveau du cou. La radiothérapie provoque des mucites intenses, susceptibles de gêner la déglutition et nécessitant la mise en place d'une nutrition artificielle par sonde. À plus long terme, la radiothérapie peut aussi être responsable d'une xérostomie nécessitant de boire beaucoup et souvent. « Le suivi nutritionnel par le généraliste est essentiel, insiste le chirurgien ORL. L'apparition d'une limitation de l'ouverture de la bouche relève aussi de sa surveillance : des séances avec un kinésithérapeute pour travailler l'ouverture buccale sont alors à prescrire. Enfin, la radiothérapie ayant tendance à atrophier les muscles, l'orthophonie de la déglutition est à travailler régulièrement ».
Cancers anaux, les hommes concernés
L'incidence des cancers anaux est de 1 à 2 pour 100 000 habitants : 65 % touchent des femmes (âge moyen de 61 ans) et 35 %, des hommes (âge moyen de 41-42 ans). Chez ces derniers, il s'agit majoritairement d'homosexuels VIH +. « Leur risque relatif est multiplié par 100, raison pour laquelle un examen anal proctologique complet leur est recommandé au moins une fois, les examens suivants étant programmés en fonction de leur sexualité (un examen annuel en cas de multipartenariat), explique le Dr Laurent Abramowitz, gastro-entérologue et proctologue, à l'hôpital Bichat - Claude Bernard (Paris). Chez les homosexuels VIH- et chez les VIH + non homosexuels, le risque relatif est multiplié par 40-50. De leur côté, les femmes ayant déjà eu une maladie due à l'HPV ont un risque relatif multiplié par 4 à 16 ».
Comme le rappelle le spécialiste, par ailleurs président du Groupe de recherche en proctologie (GREP) de la Société nationale française en coloproctologie : « En fait, tout le monde est infecté par des HPV au niveau de l'anus, du pénis et du col, mais très peu vont développer un cancer car la plupart éliminent spontanément le virus. Être immunodéprimé et/ou avoir plusieurs partenaires, augmentent les risques de cancer anal, mais attention aux idées préconçues : le cancer de l'anus n'est pas forcément lié à un rapport anal. Quant au port du préservatif, il diminue le risque, mais ne l'annule pas ».
Il n'y a pas que la maladie hémorroïdaire qui peut expliquer une symptomatologie anale ! « Il ne faut jamais traiter un anus sans le regarder, insiste le Dr Abramowitz. Les symptômes devant alerter sont une douleur, un saignement, une boule anale et parfois un prurit. Il ne faut pas hésiter à poser la question chez les patients à risque (homosexuels VIH +, immunodéprimés, femmes ayant fait un cancer du col et/ou ayant été traitée par conisation), car par tabou, beaucoup n'osent pas parler spontanément de ces symptômes. Le diagnostic repose sur l'examen visuel de la marge anale et sur un toucher rectal. Si une tuméfaction est ressentie, un avis spécialisé est demandé ».
Un cancer anal presque toujours locorégional
Le bilan d'extension est clinique (mesure de la tumeur, toucher rectal, anuscopie, palpation des aires inguinales), radiologique avec une IRM anorectale, parfois un pet-scan, un scanner thoraco-abdomino-pelvien pour vérifier qu'il n'y a pas de métastase et enfin, la recherche de marqueurs Squamous Cell Carcinoma Antigen (SCC). « Le traitement du cancer de l'anus repose surtout sur la radio-chimiothérapie (car elle est radiosensibilisante). La chirurgie est réservée aux petits cancers de la marge anale car elle présente moins de séquelles, d'où l'intérêt du dépistage précoce par le généraliste », insiste le Dr Abramowitz.
Intérêt possible d'une vaccination tardive
Outre le dépistage et le suivi, le rôle du généraliste est primordial en matière de prévention. « La vaccination est la meilleure prévention primaire et elle est bien tolérée. Toutefois, on ne sait pas encore si elle n'a d'intérêt chez les garçons, qu'avant les premiers rapports sexuels ou si une immunité est rattrapable plus tard », explique le Dr Gorphe. De plus, le vaccin pourrait avoir un intérêt en prévention tardive. « Des petites études ont été réalisées sur des femmes vaccinées bien plus tard (45-49 ans) après conisation et donc une dysplasie de haut grade : elles montrent que ces femmes ont une baisse de 70 % de récidives de haut grade comparativement aux femmes non vaccinées, poursuit le Dr Abramowitz. Il y aurait donc encore un bénéfice à faire le vaccin tardivement, mais il n'y a pas de recommandation en France en ce sens, même si cela se fait dans d'autres pays ».
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