« Il n’y a pas un mais deux cancers de la vessie, le cancer non infiltrant et le cancer dit infiltrant. », explique le Pr Thierry Lebret, président de l’Association française d’urologie, et chef du service d’urologie de l’hôpital Foch. « Et cette distinction est importante car elle va conditionner la prise en charge de la maladie et son pronostic ». La forme non infiltrante qui se développe en surface de la paroi vésicale (urothélium) est la plus fréquente (80 % des cas). Sa gravité est liée à son risque de récidive après traitement (1 fois sur 2) quand elle est dite de bas grades et à son risque de diffusion quand elle est qualifiée de haut grade. Non traitée précocement, elle peut aussi devenir infiltrante secondairement (1 fois sur 3). Le cancer infiltrant est lui plus agressif d’emblée avec tendance aux ramifications dans la paroi vésicale, vers les ganglions et les organes de voisinage. Son pronostic dépend du degré d'infiltration pariétale, de l'extension locorégionale et à distance. Il s’agit d’une « urgence thérapeutique », souligne le Pr Lebret.
Ce rappel anatomopathologique confirme l’importance d’un diagnostic précoce de la maladie. Les facteurs de risque sont bien connus. Au premier rang de ceux-ci l’intoxication tabagique. Des toxiques professionnels comme les colorants, les gaz d'échappement diesel, les goudrons de houilles, des produits phytosanitaires ou l’arsenic, pour ne citer que certains d’entre eux, exposent également à ce risque. Tous ces produits sont listés dans les tableaux 15 ter, 16 bis (régime général) et 35 bis (régime agricole) des maladies professionnelles. Il n’existe pas à ce jour de dépistage systématique (frottis urinaire) des populations à risque. « Et ce n’est pas à l’ordre du jour », commente le Pr Lebret même s’il laisse entendre qu’une réflexion pourrait être engagée dans l’avenir.
Un bilan diagnostic très standardisé
L’hématurie est le signe révélateur du cancer de la vessie. D’autres symptômes peuvent également alerter comme des irritations vésicales (pollakiurie, impériosité mictionnelle, brûlures urinaires) ou des douleurs pelviennes mais ils sont loin d’être spécifiques. « Toute hématurie macroscopique doit impérativement faire l’objet d’un bilan », répète à plusieurs reprises le Pr Lebret. « Les 3 examens incontournables sont l’échographie de l’appareil urinaire, le frottis urinaire et la fibroscopie vésicale ». L’échographie recherche des calculs rénaux, une masse rénale ou une anomalie de l’urètre. Le frottis urinaire permet de mettre en évidence des cellules desquamantes anormales. Un test qui est peu spécifique car il ne précise pas la localisation des cellules tumorales au sein de l’arbre urinaire et des faux négatifs ont été documentés. La fibroscopie va visualiser les lésions évocatrices à type de polypes au niveau de la vessie et de l’urètre.
Le traitement des tumeurs de la vessie n’envahissant pas le muscle vésical est standardisé reposant sur la résection de la tumeur sous endoscopie par les voies naturelles. La recherche de lésions cancéreuses au niveau du haut appareil urinaire par urétéroscopie est la règle. En effet, si ce cancer affecte le plus souvent la vessie (95 %), il peut aussi être retrouvé à des degrés moindres au niveau de l’urothélium du haut appareil urinaire (4,5 %) et de l’urètre (0,5 %). Des produits de chimiothérapie ou d’immunothérapie sont parfois instillés localement après résection tumorale. « La surveillance de ces patients pendant au moins 10 ans est essentielle en raison du caractère récidivant élevé de cette forme dite non invasive », précise le Pr Lebret. Elle est basée sur la fibroscopie vésicale, le frottis urinaire ainsi que le scanner de l’appareil urinaire. Ce dernier est généralement effectué après injection d’un produit de contraste et clichés tardifs sous diurétiques pour une visualisation plus précise des lésions. Ce bilan est effectué en fonction du grade de la tumeur : tous les 3 mois puis tous les 6 mois si le grade est dit élevé et tous les ans si celui-ci est bas. Les tumeurs infiltrants le muscle sont traitées en urgence par ablation totale de la vessie avec son remplacement par un segment d’intestin (néovessie) ou par une dérivation urinaire vers une poche externe (stomie). La chimiothérapie donne des résultats jugés décevants. L’immunothérapie reste le grand espoir des tumeurs métastatiques.
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