CLASSIQUEMENT, LE diagnostic du cancer de la prostate fait appel à des biopsies. Mais une association de l’IRM aux biopsies ciblées devrait limiter leur morbidité, tout en permettant d’identifier avec précision les cancers évolutifs. L’imagerie devrait également permettre de diminuer le nombre de biopsies chez des patients sous surveillance pour un cancer à faible risque d’évolution. Enfin, cette stratégie devrait permettre d’éviter les surtraitements liés à la détection de cancers latents, de très petit volume.
Les biopsies systématiques s’accompagnent d’un taux élevé de sur-diagnostics.
Selon les estimations actuelles, des biopsies de prostate sont réalisées en France chaque année chez plus de 150 000 patients. La technique initiale faisait appel à six biopsies échoguidées par voie endorectale réparties de façon homogène dans la prostate. Des modifications ont conduit à recommander actuellement la réalisation de douze prélèvements pour optimiser le taux de diagnostics de cancer lors d’une première série de biopsies. Or il a été montré récemment, dans le cadre de l’étude européenne randomisée pour le dépistage du cancer de la prostate (ERSPC) que cette stratégie induit une réduction significative du risque de décès spécifique, atteignant 20 % à 9 ans chez les hommes de 55 à 69 ans… Mais aussi qu’elle s’accompagne d’un taux élevé de sur-diagnostics, évalué à 30 % de cancers insignifiants, habituellement définis par leur faible volume (inférieur à 0,5 ml) et un score de Gleason inférieur à 6 (1). La diffusion du dosage sérique du PSA conduit en effet plus fréquemment à diagnostiquer des lésions bien différentiées ayant une faible masse tumorale.
C’est pourquoi une hypothèse séduisante postule que l’IRM est susceptible de mieux préciser les indications des biopsies, et donc d’éviter ces surtraitements.
Un examen de triage.
Par ailleurs, l’IRM en première intention apporte des informations sur la localisation des tumeurs dont le volume est significatif. Initialement dédiée au bilan d’extension local du cancer de prostate, il permet à l’heure actuelle, avec le développement de l’imagerie moléculaire, de voir les contours de la tumeur. L’association des séquences morphologiques et moléculaires (diffusion et perfusion) permet ainsi la détection des tumeurs, leur localisation et l’estimation de leur volume, mais elle fournit également des informations sur l’agressivité tumorale.
L’ensemble de ces paramètres a in fine pour objectif une connaissance précise du stade du cancer et de pouvoir proposer des traitements avec préservation maximale de l’organe (2). De plus, les biopsies ainsi guidées devraient permettre un meilleur échantillonnage des zones suspectes en augmentant la rentabilité des biopsies, c’est-à-dire le nombre et longueur des prélèvements positifs.
L’ensemble de ces données plaide pour un usage de l’IRM avant les premières biopsies, et pour son utilisation en tant qu’examen de triage chez les hommes ayant un taux de PSA augmenté. L’objectif de ce triage est de sélectionner les patients ayant un cancer clinique, à risque évolutif élevé, nécessitant un traitement.
L’IRM guide efficacement les biopsies.
Afin d’évaluer cette hypothèse, une étude prospective a été mise en œuvre (3). Elle a porté sur 555 patients consécutifs, suspects de cancer de la prostate. Un total de 10 à 12 biopsies échoguidées ont été associées à deux biopsies dirigées par les données de l’IRM. Ces dernières ont été également échoguidées. Les résultats des deux types de biopsies ont été comparés.
Un cancer a été détecté – soit par biopsies systématiques, soit par biopsies guidées par IRM – chez 302 sujets (54 %). Parmi les 302 cancers détectés, 82 % étaient cliniquement significatifs et 18 % étaient insignifiants. Comme cela était attendu, la précision de la détection des cancers cliniquement significatifs est apparue significativement meilleure en cas de biopsies guidées par l’IRM que lorsque les biopsies étaient systématiques (p < 0,001). Cette différence est également apparue significative pour les tumeurs de grade 4 ou 5. La longueur des prélèvements positifs, enfin, a été de 5,6 mm contre 4,7 mm (p = 0,0018).
De plus, l’IRM étant positif chez seulement 351 patients (63 %). Donc si les biopsies avaient exclusivement été motivées et guidées par cette imagerie, elles n’auraient été pratiquées que sur cette portion de l’effectif et leur nombre aurait été de 3,8 par patient en moyenne. Enfin, elles auraient également permis d’éviter 13 % de diagnostics posés pour cancer insignifiant.
Du côté des 46 % de patients chez lesquels la suspicion de cancer n’a pas été confirmée par les biopsies, la spécificité de l’IRM pour éliminer les cancers de plus de 0,5 ml a été de 94 %... Un paramètre qui est susceptible d’être particulièrement utile pour éviter de pratiquer des biopsies inutiles.
Ces données doivent être confirmées par des travaux prospectifs de plus grande ampleur, sans compter une analyse médico-économique indispensable.
› Dr GERARD BOZET
D’après un entretien avec le Pr Arnauld Villers (service d’urologie, CHRU, Lille)
(1) Schroder FH, et coll. Screening and prostate-cancer mortality in a randomized European study. N Engl J Med 2009;360(13):1320-8.
(2) Dickinson L, et coll. Magnetic resonance imaging for the detection, localisation, and characterisation of prostate cancer: recommendations from a European consensus meeting. Eur Urol 2011;59(4):477-94.
(3) Haffner J, et coll. Role of magnetic resonance imaging before initial biopsy: comparison of magnetic resonance imaging-targeted and systematic biopsy for significant prostate cancer detection. BJU Int 2011 Mar 22.
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