« ALORS QUE la France est le bon élève au niveau mondial en ce qui concerne la qualité dite "systémique", permettant d’éviter la mortalité par maladie, elle est la lanterne rouge en ce qui concerne la qualité centrée sur le patient, affirme Laurent Degos (Ancien Président de la Haute Autorité de Santé), en particulier lorsqu’il s’agit de la communication [information, explication, traitement écrit et expliqué, partage de décision et éducation thérapeutique, annonces]. Pourtant, la cancérologie pourrait être un modèle pour établir un parcours de soin optimal centré sur le patient ». Quelle est la plus-value apportée par la démocratie sanitaire ? Quinze ans après les ordonnances et la loi du 4 mars 2002, force est de constater que la participation des patients au projet de soin reste actuellement extrêmement embryonnaire. « Il faut impliquer davantage les patients ou leurs représentants dans le système de santé et aboutir à une co-construction entre professionnels de santé et patients, postulat de la stratégie nationale de santé », rappelle Claire Compagnon, du Ministère des Affaires sociales et de la Santé, à l’origine des 1ers Etats Généraux des malades atteints de cancer, organisés par la Ligue contre le cancer en 1998. « La France pourrait aller beaucoup plus loin dans l’implication des usagers, comme au Québec, où un patient dirige, au sein de la Faculté de médecine, un département dédié à l’expertise de patients-partenaires », indique-t-elle.
Acteurs de santé.
« Beaucoup de choses reposent sur les épaules des médecins et nous sommes bien incapables de les assumer aujourd’hui. Les problèmes vont s’aggraver en raison de la décroissance importante de la démographie médicale, en particulier concernant la médecine générale, s’inquiète pour sa part le Pr Sylvie Négrier (Centre Léon Bérard, Lyon). Le suivi des patients cancéreux par les médecins généralistes est une utopie : 25 % partent à la retraite et seulement 15 % des jeunes diplômés en médecine générale s’installent en ville. Des "acteurs de santé" font cruellement défaut aujourd’hui : ils aideraient les patients et les professionnels à avoir plus d’informations, plus de communication. L’absence de ce niveau intermédiaire de soignants est une des raisons du retard sur la prévention en cancérologie. Ces soignants ont une capacité d’information, d’éducation et de coordination en matière de prévention ».
La délégation de tâches – ou coopération interprofessionnelle – initiée par la Haute autorité de santé (HAS), rencontre deux obstacles : le paiement et la formation, qui n’ont pas été résolus jusqu’à présent. Les paiements de l’acte d’un médecin et d’un infirmier ne sont pas identique alors qu’il s’agit du même acte. « Il y a besoin de nouveaux métiers, d’une personne qui serait le GPS du parcours de soin du malade, de l’hôpital jusqu’au domicile du patient, car aujourd’hui la technologie passe de l’hôpital à la ville et bientôt au domicile du patient », affirme Laurent Degos. En somme, il faudra accompagner le patient durant toutes les étapes de sa prise en charge.
La symétrie du savoir.
« Pour arriver à une démocratie sanitaire, on a besoin d’éduquer la population pour avoir un même niveau de connaissances, qu’elles soient en symétrie entre les interlocuteurs. Pour cela, il faut que nous changions de language : il y a le vocable scientifique, que personne ne comprend, et le langage que tout le monde comprend », souligne Laurent Degos.
« Est-il possible d’assurer une information et un suivi du patient quand il n’existe pas de véritable coordination entre le médecin généraliste et le centre de soins ? », interroge Daniel André, patient représentant l’Association France Lymphome Espoir. La vraie démarche du patient est, selon lui, d’être reconnu comme étant au centre du système de soins pour pouvoir tout mettre en œuvre, dès l’annonce du diagnostic, pour le conduire sur la voie de la guérison.
« L’information est donnée mais elle n’est pas toujours adaptée. Médecins et patients ne sont pas toujours sur le même niveau de priorité et, parfois, le médecin s’enferme dans son discours scientifique et technique. Je crois qu’il a une vraie volonté de délivrer l’information et non de la cacher. On manque certainement d’aide pour améliorer notre communication », acquiesce Sylvie Négrier.
Le Plan Cancer 2, avec la consultation d’annonce, a au moins fait prendre conscience à l’ensemble des soignants de la nécessité de ce temps réservé à la communication. Tout n’est pas parfait. « Les cancérologues, les oncologues et les radiothérapeutes ne sont pas en nombre suffisant et ils font ce qu’ils peuvent, affirme le Pr Négrier. Les temps d’hospitalisations sont aujourd’hui de plus en plus courts. Au centre Léon-Bérard, nous travaillons sur des parcours de prise en charge de cancer du sein où le patient passera une journée en tout et pour tout à l’hôpital pour sa chirurgie ; il faut prendre en compte l’ensemble des contraintes pour répondre à ces besoins ».
Claire Compagnon engage les professionnels de santé à travailler sur la qualité centrée sur le patient « en s’appuyant sur un mode de coopération entre professionnels et structures qui fait défaut en cancérologie et dans d’autres disciplines ».
D’après la session plénière sur les systèmes de soins centrés sur le patient : quelles adaptations pour les professionnels de santé ?
Les 6e Rencontres de la Cancérologie Française (RCFr) ont eu lieu à un moment charnière pour la cancérologie après la remise des recommandations du rapport du Pr Jean-Paul Vernant pour la réalisation du plan Cancer 3. La volonté des RCFr 2013 a été de réunir et faire débattre l’ensemble des acteurs de la cancérologie sur l’innovation dans la prise en charge des cancers et les questions qu’elle suscite tant sur le plan médicoéconomique, que sur le plan sociétal et éthique. Cette année, les RCFr ont intégré la démocratie sanitaire dans les débats. Pari réussi pour ces deux jours d’échanges riches et passionnés.
› Un dossier réalisé par le Dr Sylvie Le Gac
«ALORS QUE la France est le bon élève au niveau mondial en ce qui concerne la qualité dite "systémique", permettant d’éviter la mortalité par maladie, elle est la lanterne rouge en ce qui concerne la qualité centrée sur le patient, affirme Laurent Degos (Ancien Président de la Haute Autorité de Santé), en particulier lorsqu’il s’agit de la communication [information, explication, traitement écrit et expliqué, partage de décision et éducation thérapeutique, annonces]. Pourtant, la cancérologie pourrait être un modèle pour établir un parcours de soin optimal centré sur le patient ». Quelle est la plus-value apportée par la démocratie sanitaire ? Quinze ans après les ordonnances et la loi du 4 mars 2002, force est de constater que la participation des patients au projet de soin reste actuellement extrêmement embryonnaire. « Il faut impliquer davantage les patients ou leurs représentants dans le système de santé et aboutir à une co-construction entre professionnels de santé et patients, postulat de la stratégie nationale de santé », rappelle Claire Compagnon, du Ministère des Affaires sociales et de la Santé, à l’origine des 1ers Etats Généraux des malades atteints de cancer, organisés par la Ligue contre le cancer en 1998. « La France pourrait aller beaucoup plus loin dans l’implication des usagers, comme au Québec, où un patient dirige, au sein de la Faculté de médecine, un département dédié à l’expertise de patients-partenaires », indique-t-elle.
Acteurs de santé.
« Beaucoup de choses reposent sur les épaules des médecins et nous sommes bien incapables de les assumer aujourd’hui. Les problèmes vont s’aggraver en raison de la décroissance importante de la démographie médicale, en particulier concernant la médecine générale, s’inquiète pour sa part le Pr Sylvie Négrier (Centre Léon Bérard, Lyon). Le suivi des patients cancéreux par les médecins généralistes est une utopie : 25 % partent à la retraite et seulement 15 % des jeunes diplômés en médecine générale s’installent en ville. Des "acteurs de santé" font cruellement défaut aujourd’hui : ils aideraient les patients et les professionnels à avoir plus d’informations, plus de communication. L’absence de ce niveau intermédiaire de soignants est une des raisons du retard sur la prévention en cancérologie. Ces soignants ont une capacité d’information, d’éducation et de coordination en matière de prévention ».
La délégation de tâches – ou coopération interprofessionnelle – initiée par la Haute autorité de santé (HAS), rencontre deux obstacles : le paiement et la formation, qui n’ont pas été résolus jusqu’à présent. Les paiements de l’acte d’un médecin et d’un infirmier ne sont pas identique alors qu’il s’agit du même acte. « Il y a besoin de nouveaux métiers, d’une personne qui serait le GPS du parcours de soin du malade, de l’hôpital jusqu’au domicile du patient, car aujourd’hui la technologie passe de l’hôpital à la ville et bientôt au domicile du patient », affirme Laurent Degos. En somme, il faudra accompagner le patient durant toutes les étapes de sa prise en charge.
La symétrie du savoir.
« Pour arriver à une démocratie sanitaire, on a besoin d’éduquer la population pour avoir un même niveau de connaissances, qu’elles soient en symétrie entre les interlocuteurs. Pour cela, il faut que nous changions de language : il y a le vocable scientifique, que personne ne comprend, et le langage que tout le monde comprend », souligne Laurent Degos.
« Est-il possible d’assurer une information et un suivi du patient quand il n’existe pas de véritable coordination entre le médecin généraliste et le centre de soins ? », interroge Daniel André, patient représentant l’Association France Lymphome Espoir. La vraie démarche du patient est, selon lui, d’être reconnu comme étant au centre du système de soins pour pouvoir tout mettre en œuvre, dès l’annonce du diagnostic, pour le conduire sur la voie de la guérison.
« L’information est donnée mais elle n’est pas toujours adaptée. Médecins et patients ne sont pas toujours sur le même niveau de priorité et, parfois, le médecin s’enferme dans son discours scientifique et technique. Je crois qu’il a une vraie volonté de délivrer l’information et non de la cacher. On manque certainement d’aide pour améliorer notre communication », acquiesce Sylvie Négrier.
Le Plan Cancer 2, avec la consultation d’annonce, a au moins fait prendre conscience à l’ensemble des soignants de la nécessité de ce temps réservé à la communication. Tout n’est pas parfait. « Les cancérologues, les oncologues et les radiothérapeutes ne sont pas en nombre suffisant et ils font ce qu’ils peuvent, affirme le Pr Négrier. Les temps d’hospitalisations sont aujourd’hui de plus en plus courts. Au centre Léon-Bérard, nous travaillons sur des parcours de prise en charge de cancer du sein où le patient passera une journée en tout et pour tout à l’hôpital pour sa chirurgie ; il faut prendre en compte l’ensemble des contraintes pour répondre à ces besoins ».
Claire Compagnon engage les professionnels de santé à travailler sur la qualité centrée sur le patient « en s’appuyant sur un mode de coopération entre professionnels et structures qui fait défaut en cancérologie et dans d’autres disciplines ».
D’après la session plénière sur les systèmes de soins centrés sur le patient : quelles adaptations pour les professionnels de santé ?
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