ON A DÉCOUVERT ces dernières années que des altérations génétiques spécifiques qui gouvernent la prolifération des cellules cancéreuses rendent ces tumeurs sensibles à des thérapies ciblées inhibant la voie mutée. Ainsi, par exemple, 12 % des cas de cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) sont favorisés par des mutations EGFR (epidermal growth factor receptor) et plusieurs inhibiteurs de l’EGFR - erlotinib, gefitinib - se sont montrés efficaces, au moins temporairement.
En 2007, on a pu découvrir qu’un réarrangement du gène ALK (anaplastic lymphoma kinase), déjà associé à plusieurs types de cancers, était impliqué dans 2 à 7 % des CBNPC. Ces lignées cellulaires cancéreuses se sont montrées sensibles in vitro au crizotinib, un inhibiteur oral des tyrosine kinases ALK et MET.
N’avaient jamais fumé ou très peu.
Un essai multicentrique de phase 1 a donc été conduit par Kwak et coll. chez des patients ayant un CBNPC avancé, afin d’évaluer l’efficacité et l’innocuité du crizotinib. Après avoir dépisté les prélèvements tumoraux de 1 500 patients ayant un cancer avancé, les chercheurs ont pu en identifier 82 (5, 5 %) dont la tumeur présentait un réarrangement ALK. Ces derniers étaient plus jeunes que les autres, la plupart n’avaient jamais fumé ou très peu et présentaient un adénocarcinome. La majorité des patients avaient déjà suivi plusieurs traitements.
Ces 82 patients ont été enrôlés dans une étude élargie, après qu’une phase 1 de doses croissantes a établi la posologie recommandée (250 mg, 2 fois par jour, par cycles de 28 jours). Les résultats, sont très prometteurs.
Après un traitement de 6 mois et demi en moyenne, on observe un taux de réponse de 57 % (complète chez 1 patient, et partielle chez 46 des 82 patients) et un taux de stabilisation tumorale de 33 % (27 patients).
Ce taux de réponse est impressionnant, comparé aux 10 % pour de tels cancers traités par une chimiothérapie de deuxième intention. La probabilité de survie à 6 mois sans progression est estimée à 72 % (27 % avec une chimiothérapie). « Par conséquent, l’inhibition d’ALK chez les patients génotypés pourrait améliorer la survie, par rapport à la chimiothérapie conventionnelle », notent les chercheurs.
Enfin, le crizotinib n’a entraîné que des effets secondaires minimes, principalement gastro-intestinaux.
On apparie la tumeur au traitement.
« Nous avons identifié un sous-groupe de patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules dont les tumeurs sont provoquées par un réarrangement du gène AKL. Ces tumeurs tendent à survenir chez des patients qui n’ont pas ou peu fumé », explique au « Quotidien » le Dr Eunice Kwak (Massachusetts General Hospital Cancer Center, Boston). « Lorsque ces patients ont reçu le crizotinib la plupart des tumeurs ont régressé ou se sont stabilisées, même si elles continuaient de se développer sous d’autres traitements. Ceci représente un exemple où l’on apparie la tumeur d’un patient au traitement le plus approprié, en utilisant une analyse prospective du profil génétique d’une tumeur ».
« En utilisant cette stratégie très tôt dans un essai clinique de phase 1, nous avons pu identifier rapidement qu’un nouveau médicament, le crizotinib, qui n’avait pas encore été administré a l’homme avant cet essai, possède une activité antitumorale dans une population de patients très spécifique. C’est une information qui demande habituellement plusieurs années avant sa découverte ».
« Ainsi, nous avons découvert un nouveau sous-groupe de cancers du poumon qui répond au traitement par le crizotinib. Il est important que les médecins se donnent la peine d’identifier le réarrangement ALK, ainsi que d’autres anomalies génétiques telles que la mutation EGFR, de façon à traiter les patients comme il le faut. Le traitement pour le cancer du poumon n’est plus un traitement unique valable pour tous… Nous continuons de suivre les patients dans la cohorte élargie de l’essai de phase 1, puisque l’essai se poursuit. Nous recherchons aussi d’autres types de cancers contre lesquels le crizotinib pourrait être actif. De plus, le laboratoire Pfizer conduit un essai de phase 3 comparant le crizotinib à la chimiothérapie ».
New England Journal of Medicine, 28 octobre 2010.
* Ce travail avait été présenté au congrès de l’ASCO («le Quotidien» du 9 juin 2010)
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