Diverses applications prometteuses d’algorithmes intelligents en cardiologie avaient déjà été présentées lors de l’édition 2023 des sessions scientifiques de l’AHA : une solution mobile d’analyse du langage – permettant de repérer très précocement les décompensations d’insuffisance cardiaque sur la base d’altérations de la voix indétectables à l’oreille humaine –, un algorithme d’aide à l’analyse des ECG, etc. Cette année, l’IA revient en force.
Échographies intelligentes
Deux présentations suggèrent un intérêt important de l’IA pour l’interprétation des échographies cardiaques.
L’algorithme PanEcho (1), développé sur un vaste échantillon d’1,23 million de boucles d’échographies cardiaques, présente de très bons coefficients de corrélation pour des centaines de paramètres : erreur moyenne de moins de 5 % sur la mesure de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), erreur moyenne de seulement 1,3 mm sur l’estimation de l’épaisseur de paroi du ventricule gauche, notamment.
Dans le même esprit, selon l’étude japonaise IA-Echo, un algorithme intelligent permettrait d’interpréter les échographies aussi bien, voire mieux, que des sonographeurs (professionnels non médicaux mais formés à réaliser des échographies, très présents dans des pays tels que le Japon ou le Canada, et qui commencent à se faire une place en France dans certains centres).
Plus précisément, dans le cadre de cette investigation conduite dans un centre d’échographie pendant une quarantaine de jours, les examens ont été interprétés par les sonographeurs du centre, un jour sur deux avec leur technologie habituelle, et un jour sur deux avec une IA d’aide à l’interprétation. Finalement, l’utilisation de cet algorithme s’est soldée par une réduction de la fatigue mentale des opérateurs et du temps d’examen, ce qui a permis de réaliser plus de trois échographies supplémentaires par jour. De plus, l’algorithme prenait en compte 85 paramètres (contre seulement 25 par les sonographeurs). Si bien que plus de 40 % des échographies réalisées avec l’IA étaient jugées excellentes (contre seulement 31 % sans cette aide).
Ainsi, le futur verra sans doute arriver des IA dans les échographies, y compris cardiaques.
Thérapie génique de l’amylose à transthyrétine
Des technologies d’édition du génome fondées sur les ciseaux à ADN Crispr-Cas9 continuent de faire l’objet d’évaluations très relayées en cardiologie. Et pour cause : ce type de candidats médicaments pourrait constituer un traitement définitif de diverses pathologies.
Aussi, l’an dernier, les résultats intermédiaires d’un premier essai d’administration chez l’humain de la thérapie expérimentale VervE-101, ciblant le gène PCSK9, avaient fait parler de lui à l’AHA : chez une dizaine de patients atteints d’hypercholestérolémie familiale hétérozygote, non contrôlés malgré un traitement médical et ayant pour la plupart une maladie athéromateuse, une unique perfusion de ce candidat traitement avait été associée à une réduction drastique des taux de LDL-cholestérol, qui se maintenait à six mois.
L’espoir d’un traitement « one shot » de l’amylose à transthyrétine
Cette année, une nouvelle application de la méthode Crispr-Cas9 émerge chez les personnes atteintes d’amylose à transthyrétine. Selon une étude de phase 1 conduite auprès de 36 patients (2), une unique perfusion de nexiguran ziclumeran (Nex-z) aurait abouti à une chute de 90 % des taux de transthyrétine plasmatique, paramètre qui restait abaissé un an après l’administration. Et la maladie apparaissait stabilisée non seulement sur le plan biologique mais aussi sur le plan clinique, avec une très faible progression de paramètres tels que la fraction d’éjection ou l’épaisseur de paroi. D’où l’espoir de voir arriver, si ces résultats étaient confirmés en phase 2 puis 3, un traitement one shot de l’amylose à transthyrétine.
Une protection supplémentaire dans l’insuffisance cardiaque
Les analogues du GLP1, médicaments initialement développés dans le traitement du diabète, ne cessent de révéler d’autres intérêts, notamment en cardiologie. L’an dernier, l’étude Select avait démontré l’efficacité du sémaglutide en prévention cardiovasculaire secondaire chez les sujets obèses, même en l’absence de diabète. Cette année, l’attention était focalisée sur une autre molécule, cette fois double agoniste GLP1-GIP : le tirzépatide.
En effet, dans l’essai Summit (3), conduit auprès de 731 individus obèses ayant une insuffisance cardiaque avec FEVG préservée (supérieure à 50 %) randomisés pour recevoir soit du tirzépatide, soit un placebo, l’administration du tirzépatide s’est soldée à un an par une réduction significative, de 38 %, d’un critère composite incluant notamment les décès de cause cardiovasculaire et les événements d’aggravation ou de décompensation de la maladie. Soumis au questionnaire Kansas, les patients du groupe interventionnel décrivaient par ailleurs une amélioration significative de leur qualité de vie par rapport aux participants du groupe témoin.

Cependant, au même titre que Select l’année dernière, ce travail interroge. Reste notamment à savoir si ces résultats sont liés à une action directe du traitement sur l’insuffisance cardiaque ou à une action indirecte du traitement sur la maladie via la perte de poids – majeure – induite par le médicament. Dans le second cas, un potentiel effet rebond, déjà décrit avec les incrétines, pourrait induire des récidives.
Par ailleurs, l’essai Summit a été réalisé auprès d’un échantillon relativement réduit de patients (731 patients), suivis pendant une durée relativement courte (un an). Et ce travail ne se penchait pas sur des critères durs tels que la mortalité toutes causes. Aussi, reste à poursuivre les investigations. En attendant, une nouvelle projection présentée à l’AHA prévoit une explosion de l’incidence de l’obésité d’ici à 2050.
Entretien avec le Dr François Diévart (Dunkerque)
(1) Abstract 4 170 777
(2) M Fontana et al. NEJM. November 16, 2024
(3) Abstract 4171195. M Packer. NEJM. November 16, 2024
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