Le recours aux réseaux de médecine et de chirurgie esthétique low cost entraîne une hausse du nombre de patients ayant besoin d'intervention réparatrice. Comme le rappelle la Dr Catherine Bergeret-Galley, secrétaire générale du Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE) et présidente de la Société française des chirurgiens esthétiques plasticiens (Sofcep), les praticiens sont de plus en plus confrontés à ce type de séquelles.
« Quotidiennement, nous sommes confrontés à des infections graves, des gangrènes, des obstructions vasculaires, des nécroses des lèvres, liste-t-elle concernant les injections sauvages. Il y a aussi les conséquences des rhinoplasties réalisées dans de mauvaises conditions par du personnel peu ou pas formé, c'est une zone très délicate. Il y a aussi des septicémies au niveau des fesses de femmes à qui l'on a injecté des produits contaminés ou quand l'asepsie n'est pas respectée. »
Selon une enquête réalisée en 2022 par le SNCPRE auprès de ses 420 membres, environ 20 % des patients viennent consulter pour les séquelles d'une intervention mal réalisée.
Pour corriger ces mutilations, « nous devons retirer les tissus nécrosés, procéder à des greffons ou des lambeaux. Ce sont des complications inimaginables pour un acte qui était, au départ, décrit comme anodin, explique la Dr Bergeret-Galley. Certaines sont irréversibles. »
Quelles sont les obligations du chirurgien en pareil cas ? Si l'on se réfère au cadre juridique global, il existe une « obligation renforcée » concernant aussi bien les conditions d’exercice que la technique médicale ou l’obligation d’information du patient.
Cette étape peut poser problème face à une victime de la médecine esthétique low cost. « Nous sommes parfois confrontés à des jeunes filles qui font preuve d'un manque de réflexion approfondie sur notre pratique, et qui perçoivent un geste comme l'injection d'acide hyaluronique comme étant l'équivalent d'une manucure », raconte la Dr Bergeret-Galley.
Les spécialistes doivent alors faire preuve de pédagogie : « Certaines de ces patientes s'imaginent toujours qu'on peut tout soigner, poursuit-elle. Si on n'arrive pas à leur faire comprendre que le chirurgien plasticien va faire son possible pour diminuer les séquelles, sans forcément parvenir à tout récupérer, alors il ne faut pas les opérer. »
Responsables, mais pas coupables
« S'il y a une mise en cause de l'auteur d'une précédente opération, le chirurgien peut, en théorie, opérer. Mais en pratique il ne le fera pas, ajoute Me Patrick Lingibé, avocat au cabinet Jurisguyane et spécialiste des contentieux en matière de santé. Il faut un bilan du préjudice subi, sans oublier que le médecin précédent peut également demander une contre-expertise. » Le 19 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse avait statué sur le cas d'une patiente opérée pour une hypotrophie mammaire bilatérale à quatre reprises, par deux chirurgiens différents.
La décision du tribunal avait rappelé que le médecin esthétique n'était pas tenu à une obligation de résultat, dans la mesure où il respecte les obligations listées par le Code de la santé publique : information du patient sur les conditions de l’intervention, les risques encourus, les conséquences des complications éventuelles… Toutefois, « un acte de chirurgie esthétique s'engage sur la base d'une promesse de résultat, et un juge peut avoir tendance à donner raison à un patient qui exige ce qui lui a été promis », indique Me Lingibé.
« Si la faute initiale ne peut nous être attribuée, nous restons cependant potentiellement responsables si l'amélioration n'est pas suffisante, ce qui complique la prise en charge de ces patientes », insiste la Dr Bergeret-Galley
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