Chirurgie réfractive

Un article du Point qui fait des vagues

Publié le 06/02/2014
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« La chirurgie réfractive a connu un essor fantastique en 25 ans, et plus de 30 millions d’yeux ont été opérés à ce jour dans le monde. Chaque année, les chirurgiens réalisent environ 3 millions de corrections de la vision par laser et 1 million de chirurgies réfractives de la cataracte ou du cristallin, avec un implant spécifique pour la correction de la presbytie ou de l’astigmatisme. L’impact très positif de ces interventions sur la qualité de vie a été démontré scientifiquement. L’analyse de 2 915 articles scientifiques, dont 1 581 retenus pour la rigueur de leur méthodologie, montre que 96 % des patients traités par Lasik se déclarent satisfaits et recommandent l’intervention à leurs proches (le plus fort taux de satisfaction de toutes les chirurgies électives, c’est-à-dire décidées par le patient) » (K Solomon, 2009).

La correction de la presbytie bénéficie aujourd’hui de traitements laser de la cornée ou par implants multifocaux remplaçant le cristallin, efficaces, sûrs et confortables lorsque les caractéristiques du patient sont correctement prises en compte. Un rapport scientifique de 500 pages, édité par la Société Française d’Ophtalmologie en 2012 a fait la synthèse de ce sujet.

Ce développement rapide d’une discipline très technique a contribué parfois à une perception peu claire de ses acquis, souvent du fait d’une simple méconnaissance. Le niveau d’efficacité, de performance, de confort et de sécurité de la chirurgie réfractive est donc encore très largement sous-estimé par la population générale, et parfois par les ophtalmologistes non spécialistes, en comparaison de la perception plus réaliste qu’en ont les professionnels et leurs collaborateurs, qui n’hésitent pas à se faire opérer en grand nombre.

L’étude de l’ASCRS (association américaine des chirurgiens réfractifs et de la cataracte) révèle que 25 % des spécialistes de cette discipline ont été eux-mêmes opérés de chirurgie réfractive (50 fois plus que dans la population générale). De plus 56 % de ces spécialistes déclarent avoir opéré ou fait opérer un membre de leur famille proche, et 28 % leur coinjoint (Duffey 2013). Cette étude apporte un démenti flagrant à l’affirmation du Point qu’on « ne connaît aucun chirurgien qui se soit fait opérer de la presbytie ».

Dans une étude de l’US Navy (David Tanzer, 2008) un seul opéré sur 112 500 cas de chirurgie réfractive réalisés dans la marine américaine avait bénéficié d’une réforme militaire en relation avec son intervention oculaire, confirmant ainsi l’exceptionnelle fiabilité de cette intervention sur de très grandes populations.

En 2012, l’assureur professionnel MACSF ne relève en France, pour 4430 ophtalmologistes assurés, que seulement 36 déclarations sur 250 000 yeux opérés (29 pour le Lasik, dont 8 pour simple insuffisance d’efficacité, et 7 pour la chirurgie du cristallin clair). Ce taux est très largement inférieur à celui des complications graves des lentilles de contact en port permanent (taux de 1 % d’infections sévères de la cornée en 6 mois, Food and Drug Administration 2002).

On ne peut que déplorer que les rédacteurs du Point aient ignoré le témoignage clé des experts identifiés et crédibles consultés. Ceux-ci sont pourtant notoirement compétents au sein de la profession. Leurs propos et leur documentation ont été ignorés, déguisés ou vidés de leur sens. Leurs inquiétudes légitimes sur la teneur de l’article ont été tournées en dérision. Les journalistes du Point ont en revanche intentionnellement mis en avant l’opinion de prétendus « experts » anonymes, dont les positions négatives semblent particulièrement peu crédibles et éloignées du consensus scientifique actuel.

L’association de patients, citée dans l’article, invite à signer une pétition, visant à encadrer strictement ou interdire la pratique du Lasik, en faisant état « de 300 000 personnes condamnées de façon irréversible (à un handicap visuel) à la suite d’une intervention… ». Ces chiffres absurdes, évidemment inventés à l’appui d’un discours catastrophiste qui relève du fantasme ou de la manipulation, ne reposent sur rien et sont contredits par 3 000 études scientifiques internationales publiées.

Deux semaines après l’article du Point, le site de l’association ne recueillait que 117 signatures, sur les « 300 000 victimes handicapées visuelles » annoncées. Et là encore, on ne peut que regretter cette volonté de mettre en avant l’émotion bien réelle des témoignages individuels de deux patients désemparés, qui n’ont pas reçu l’écoute et les réponses professionnelles, y compris psychosociales, qu’ils étaient en droit d’attendre.

Malgré les succès de la chirurgie réfractive, il est important de continuer de sensibiliser le public à l’efficacité bien réelle des progrès technologiques et des bonnes pratiques chirurgicales, dont la compassion et l’écoute font partie intégrante, dans la prévention et la prise en charge des aléas. Cet article du Point illustre donc de façon douloureuse pour les professionnels, et préjudiciable pour les patients, un manque d’objectivité indigne d’un grand magazine national.

Clinique de la Vision et Centre Iéna Vision, Paris

Dr Michael Assouline
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Source : Bilan spécialistes