Foie, surpoids et diabète

Des liens aussi génétiques

Publié le 29/10/2015
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Les décès hépatiques occupent désormais la douzième place aux États-Unis

Les décès hépatiques occupent désormais la douzième place aux États-Unis
Crédit photo : PHANIE

La maladie stéatique hépatique non alcoolique (NAFLD) recouvre une large gamme de colonisations du foie par les graisses, allant de la stéatose simple à la stéatohépatite non alcoolique (NASH), jusqu’à la cirrhose et même au carcinome hépatocellulaire lié au NAFLD (CHH). Elle majore à la fois : le risque de diabète de type 2, indépendamment de l’obésité (plus de 20 études prospectives) ; le risque d’obésité (12 études prospectives) ; le risque d’évolution vers la NASH et de fibrose (2) ; le risque d’hépatocarcinome hépatique (3). Sa définition est plus consensuelle que formelle aujourd’hui (lire ci-dessous).

La prévalence de cette pathologie, fortement associée au surpoids et au diabète de type 2 – association retrouvée dans toutes les ethnies/races et tous les continents – a largement progressé ces dernières années. Dans le même temps, la mortalité hépatique augmentait dans les sociétés occidentales. À tel point qu’aux États-Unis, les décès hépatiques représentent désormais la douzième cause de décès en population et la quatrième cause de mortalité dans la tranche des 45-54 ans. Contrairement à ce qui est communément avancé, l’alcool et les virus (dont le VHC) représentent aujourd’hui des étiologies très minoritaires de maladie chronique hépatique.

En 2005-2008, dans l’observatoire américain national (NAHNES) chez les plus de 16 ans, la prévalence totale de maladies hépatiques chroniques était à 15 % (vs12 % en 1988-1994) et celle des NAFLD de 11 % (vs 5,5% en 1998-2004).

PNPLA3 I148M et TMGE 169K

Longtemps, la stéatose non alcoolique a été considérée comme une complication métabolique du surpoids ou plus exactement de la « mauvaise graisse » ou un excès de gras abdominal (obésité androïde). Mais, en 2008, l’identification de variants génétiques, dont certains très fréquents en population générale, est venue modifier cette vision (4). « La NAFLD est associée non seulement à des facteurs métaboliques et environnementaux, mais aussi à des facteurs de susceptibilité génétique qui pèsent lourds dans l’équation », résume le Pr Yki Järvinen (Finlande). Parmi eux, deux sont aujourd’hui bien connus : le variant PNPLA3 I148M et le variant TMGE 169K.

• PNPLA3 est très commun (30-50 % de porteurs). Il est étroitement associé au stockage de gras par le foie et ceci indépendamment de l’IMC. Il agit en venant inhiber la lipolyse des triglycérides hépatiques mais aussi venant du plasma. Résultat, il majore significativement, dans les NAFLD, le risque de NASH (RR = 3,5), de cirrhose (RR = 1,9) et de HCC (RR = 1,5). En bref, il favorise le risque hépatique. Il n’a en revanche pas d’impact sur le risque métabolique. Les porteurs ne sont pas insulinorésistants (ni d’hyperinsulinémie ni hypertriglicéridémie), (5).

• TM6 SF2 est moins commun. On le retrouve chez 14 % des euro-américains et chez 17 % des Amish. Il affecte surtout le risque métabolique. Il majore le risque de NAFLD mais pas celui d’insulinorésistance et réduit le taux de TG et la sécrétion de VLDLc chez la souris. Le gène TM6 SF2 est en effet impliqué dans le métabolisme des VLDLc dont ce variant réduit la sécrétion hépatique (6).

Vers un dépistage systématique

Comme 80 % des diabétiques de type 2 ont une NAFLD, les nouvelles recommandations à paraître prochainement préconisent un dépistage systématique dans le syndrome métabolique et le diabète de type 2. Il est fondé sur les enzymes hépatiques (ALAT, ASAT, GGT) et les marqueurs de fibrose. Dans le bas risque, un suivi tous les deux ans est recommandé. Dans le risque intermédiaire à élevé, ainsi que dans les élévations enzymatiques nettes, le patient doit consulter un hépatologue (7).

(1) Session The liver in focus. JG Jones (Portugal), Yki Järvinen (Finlande) and K Cusi (États-Unis)

(2) McPherson J et al. J Hepatol 2015 ;62:1148-55

(3) Dyson J et al. J Hepatol 2014;60:110-17

(4) S Romeo et al. Nature Genetics 2008 ;40:1461-5

(5) E Trepo et al. Hepatology 2014 ;59:2170-7

(6) J Koztilna et al. Nature Genetics 2014 ;46:352-56

(7) EASL, EASD, IASG . J Hepatology, Gastroenterologie, Obesity 2015

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du Médecin: 9445