Depuis 2015, plusieurs études ont montré que des antidiabétiques, en plus de contrôler la glycémie, réduisent le risque de décès d’origine cardiovasculaire, d'infarctus du myocarde et d'AVC non fatals chez des patients diabétiques de type 2. Chez les patients à risque, les agonistes des GLP-1 sont ainsi recommandés en deuxième intention après la metformine.
Les agonistes des récepteurs GLP-1 ont intégré l'arsenal thérapeutique des patients diabétiques de type 2 (DT2) depuis 10 ans en raison de leur capacité à améliorer le contrôle glycémique. Il a fallu en revanche attendre 2016 et l'étude LEADER sur le liraglutide pour mettre en évidence leurs bénéfices cardiovasculaires.
Depuis, d'autres études ont montré les bénéfices d'autres agonistes. Une récente méta-analyse publiée en août dans « The Lancet » les a compilées : cette classe thérapeutique a des effets positifs sur les événements cardiovasculaires, mais aussi sur la mortalité et la fonction rénale chez les patients atteints de diabète de type 2.
Un bénéfice après 1 à 3 années
« Depuis 2008, la Food and drug administration (FDA) a rendu obligatoire la réalisation d'études de sécurité cardiovasculaire pour tous les nouveaux antidiabétiques », indique au « Quotidien » le Pr Serge Halimi, diabétologue et professeur émérite à l’université Grenoble-Alpes. Ces études s'appuient sur le critère primaire composite MACE (Major Adverse Cardiovascular Events) qui comprend la survenue des décès d’origine cardiovasculaire, d'infarctus du myocarde ou d'AVC non fatals. « Les inhibiteurs de DPP4, premiers traitements à avoir été soumis à ces études de sécurité, n'ont montré ni aggravation ni amélioration du risque cardiovasculaire », rapporte le Pr Halimi.
Concernant les agonistes des GLP-1, une amélioration du critère MACE a été mise en évidence en prévention secondaire pour quatre molécules : le liraglutide (Victoza), le sémaglutide (Ozempic), l'albiglutide (Eperzan, non disponible en France), et le dulaglutide (Trulicity). Ces molécules ont respectivement été évaluées par les études LEADER en 2016, SUSTAIN 6 en 2016 également, HARMONY en 2018 et REWIND en 2019.
« L'ensemble de ces études ont montré un bénéfice cardiovasculaire des GLP-1 après 1 à 3 ans de traitement, chez des patients à haut risque cardiovasculaire par ailleurs bien traités par statines et antihypertenseurs », précise le diabétologue. Le bénéfice le plus important a été obtenu avec le liraglutide.
Des études en vie réelle
Dans la méta-analyse, les auteurs ont également pris en compte trois autres molécules - le lixisenatide (étude ELIXA, 2015), l'exenatide (étude EXSCEL, 2018) et le sémaglutide oral (étude PIONEER 6, août 2019) -, mais celles-ci n'ont pas apporté la preuve de leur efficacité cardiovasculaire à ce jour.
Des études en vie réelle sont en cours pour confirmer les bénéfices cardiovasculaires du liraglutide, du sémaglutide, de l'albiglutide et du dulaglutide. « Dans la vraie vie, l'observance de ces traitements injectables n'est pas très bonne. On considère qu'après 2 à 3 ans, seuls 60 % poursuivent leur traitement. Or les bénéfices cardiovasculaires ne se font ressentir qu'au bout de quelques années… », relève le diabétologue. Les injections hebdomadaires (dulaglutide, sémaglutide et albiglutide) semblent mieux acceptées que les quotidiennes (liraglutide).
Les agonistes des GLP-1 ne sont pas les seuls antidiabétiques à faire preuve d'un intérêt cardiovasculaire. Les inhibiteurs des SGLT2, utilisés en diabétologie depuis 2013, ont également montré des bénéfices cardiovasculaires. Le hic : la France est l'un des rares pays d'Europe où ils ne sont pas commercialisés, malgré des autorisations de mise sur le marché. « La commission de transparence bloque en France en raison des complications rares mais graves qui peuvent survenir, regrette le Pr Halimi. Mais la plupart des pays ont choisi de surveiller plutôt que d'interdire ».
Agonistes des GLP-1 après la metformine
Avant l'étude LEADER, l'étude EMPA-REG OUTCOME montrait en 2015 le bénéfice de l'empagliflozine (Jardiance) en prévention secondaire : « une amélioration spectaculaire de la mortalité cardiovasculaire a été observée », note le Pr Halimi. Elle a été suivie de l'étude CANVAS en 2017 sur le canagliflozine (Invokana) et l'étude DECLARE en 2019 sur le dapagliflozine (Forxiga). Ces trois études ont été publiées dans le « NEJM ». « Contrairement aux agonistes des GLP-1, le bénéfice cardiovasculaire est significatif dès 3 mois de traitement », précise le Pr Halimi. Les effets bénéfiques des SGLT2 sur la fonction rénale sont par ailleurs bien supérieurs à ceux observés avec les agonistes des GLP-1.
En octobre 2018, l'American Diabetes Association (ADA) et l'European Association for the Study of Diabetes (EASD) ont publié un consensus sur la prise en charge du diabète de type 2, et recommandent d'envisager, après la metformine, les agonistes de GLP-1 chez les patients présentant une maladie athéromateuse, et les SGLT-2 chez ceux présentant une maladie rénale ou une insuffisance cardiaque. « Avant que les bénéfices cardiovasculaires de ces antidiabétiques soient aussi bien connus, ces médicaments n'étaient pas placés aussi haut dans l'arbre décisionnel », commente le Pr Halimi. À noter que la Haute autorité de santé n'a pas actualisé ses recommandations depuis 2013.
Patients non-répondeurs
« En France, trois molécules - liraglutide, sémaglutide et dulaglutide - sont disponibles et peuvent être choisies préférentiellement pour des patients diabétiques de type 2 en prévention cardiovasculaire secondaire », résume le diabétologue. Elles sont toutes bien tolérées. « Les événements indésirables observés sont modestes. Ils sont principalement d'ordre digestif et s'estompent au bout de quelques mois », note le diabétologue.
Le Pr Halimi s'interroge : « que faire dans le cas de patients pour lesquels le contrôle glycémique et la perte de poids ne sont pas satisfaisants ? Faut-il privilégier la protection cardiovasculaire ? D'autant plus que tous les patients ne sont pas répondeurs sur le plan cardiovasculaire… ». La question reste ouverte.
Références
(1) Marso S. P. et al., N Engl J Med DOI: 10.1056/NEJMoa1603827, 2016. (LEADER)
(2) Kristensen L. S. et al., Lancet, DOI:https://doi.org/10.1016/S2213-8587(19)30249-9, 2019. (méta-analyse août 2019)
(3) Marso S. P. et al., N Engl J Med, DOI: 10.1056/NEJMoa1607141, 2016. (Sustain 6
(4) Hernandez A. F. et al., Lancet, doi: 10.1016/S0140-6736(18)32261-X, 2018. (HARMONY)
(5) Gerstein H. C. et al., Lancet, doi: 10.1016/S0140-6736(19)31149-3, 2019. (REWIND)
(6) Zinman B. et al., N Engl J Med, DOI: 10.1056/NEJMoa1504720, 2015. (empagliflozine - EMPA-REG OUTCOME)
(7) Neal B. et al., N Engl J Med, DOI: 10.1056/NEJMoa1611925, 2017 (CANVAS)
(8) Wiviott S. D. et al., N Engl J Med, DOI: 10.1056/NEJMoa1812389, 2019. (dapagliflozine DECLARE)