« Le diagnostic d’infection de plaie du pied chez le patient diabétique (IPPPD) est clinique », souligne d’emblée le Pr Éric Senneville (Tourcoing), infectiologue qui faisait partie du groupe de travail des nouvelles recommandations de pratique clinique pour la prise en charge du pied diabétique infecté, émises en 2022 par la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), dont la précédente version datait de 2006.
La plaie est classiquement considérée comme infectée en présence d’au moins deux de ces cinq signes : œdème local ou induration, érythème de plus de 0,5 cm autour des limites de la plaie, sensibilité ou douleur locale, augmentation de la chaleur locale, présence de pus. Il faut ensuite évaluer le grade de l’infection, qui guide la stratégie thérapeutique : grade 1 en l’absence d’infection ; grade 2 pour une infection légère, limitée à la peau et aux tissus sous-cutanés sans signes généraux ; grade 3 pour une infection modérée, sans signes généraux mais avec un érythème de 2 cm ou plus au-delà des bords de la plaie et/ou une atteinte des structures plus profondes (tendons, muscles, articulations, os) et grade 4 pour toute infection associée à un syndrome de réponse inflammatoire systémique. « Il est important de bien distinguer les grades 1 et 2, afin de ne pas prescrire inutilement des antibiotiques », souligne le Pr Senneville.
Quand hospitaliser ?
Les experts recommandent de proposer une hospitalisation en cas de fièvre, de score rapide de sepsis quick-Sofa ≥ 2, ou devant les signes locaux suivants : plaie s’étendant aux tissus sous-cutanés, dermohypodermite rapidement progressive, suspicion de collection intratissulaire, bulles dermiques, crépitations à la palpation, coloration suspecte, nécrose, apparition d’une anesthésie ou d’une douleur localisée.
« Une atteinte osseuse n’est pas, à elle seule, une indication à une hospitalisation », insiste le Pr Senneville, avant de rappeler les signes cliniques évocateurs d’une ostéite : plaie chronique (évoluant depuis plus d’un mois malgré la décharge, les soins de la plaie et en l’absence d’ischémie du membre), et de plus de 2 cm2 de surface et de 3 mm de profondeur, orteil saucisse, test du contact osseux positif, exposition osseuse. Il s’agit d’une atteinte fréquente, qui concerne de 20 à 60 % des patients ayant une IPPPD et dont le diagnostic est confirmé par des radiographies standards. La présence de gaz, signant un inoculum, impose un avis chirurgical rapide.
En raison d’un décalage radio-clinique, très important dans le pied diabétique, la normalité des radiographies n’élimine pas une ostéite : de nouvelles radiographies doivent être réalisées après 2 à 4 semaines. Un examen d’imagerie complémentaire est demandé si la suspicion d’ostéite persiste avec des radiographies séquentielles non concluantes. Il n’est pas recommandé d’utiliser de biomarqueur sérique pour le diagnostic d’ostéite sur plaie du pied du diabétique. Toutefois, en cas de doute entre un stade 1 et un stade 2, le dosage de la protéine C-réactive (CRP) est le plus pertinent, le dosage de la procalcitonine (PCT) ayant plutôt sa place pour distinguer un stade 2 d’un stade 3.
Pas d’écouvillonnage superficiel
Si un prélèvement de la plaie doit être réalisé, il n’est pas recommandé de faire d’écouvillonnage superficiel de la plaie, mais de pratiquer un curetage-écouvillonnage, préférentiellement au niveau des berges.
Une biopsie osseuse est recommandée pour confirmer le diagnostic d’ostéite et, bien sûr, des hémocultures dans les infections de grade 4.
En cas d’infection de la peau et des tissus mous, le choix de l’antibiothérapie probabiliste dépend du stade de gravité de l’infection et de l’ancienneté de la plaie : en première ligne, céfalexime ou clindamycine dans les plaies récentes de grade 2, amoxicilline/acide clavulanique dans les grades 2 chroniques et les grades 3. En cas d’allergie à la pénicilline, d’ostéite ou de forme sévère, l’avis d’un infectiologue est préconisé. En pratique, la prise en charge de ces plaies infectées est pluridisciplinaire.
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