LE REFLUX GASTRO-OESOPHAGIEN (RGO) se définit comme la remontée du contenu gastrique dans l’œsophage. Les régurgitations-remontées sans effort du contenu gastrique extériorisé par la bouche- en sont la manifestation clinique la plus fréquente. Les vomissements sont plus rares et peuvent découler d’autres causes (gastro-entérite, allergie aux protéines du lait de vache, sténose du pylore notamment). Le caractère passif des régurgitations est d’emblée rassurant, même si elles surviennent à distance des repas.
Il est essentiel de faire la différence entre le reflux physiologique, qui se manifeste par des régurgitations isolées chez un enfant qui va bien, et ne nécessite ni traitement ni explorations, et le reflux maladie, le seul qui mérite d’être exploré. Le consensus mondial de Montréal en 2009 a bien précisé le cadre du reflux maladie. Il s’agit soit d’un reflux compliqué, le plus souvent d’oesophagite, avec des signes tels que pleurs, refus de manger, vomissements sanglants ou cassure de la courbe de poids. Soit d’un reflux mal toléré, « défini par la présence de manifestations gênantes pour l’enfant et non pas pour les parents », précise le Pr Gottrand. La gêne est assez facile à évaluer chez l’enfant à partir de 5 ou 6 ans, capable de localiser l’origine de la douleur, ou chez l’adolescent, qui décrit bien le pyrosis. Elle l’est beaucoup moins chez le nourrisson, où pleurs, troubles du sommeil ou coliques peuvent être ou non liées à un reflux.
Quid des mesures positionnelles.
« Le reflux physiologique se respecte, aucune exploration n’est nécessaire. Il faut expliquer aux parents que c’est fréquent (environ 50% des nourrissons de 3 à 6 mois régurgitent trois fois par jour), bénin et transitoire », rappelle le Pr Frédéric Gottrand. Le reflux, dû à une immaturité du sphincter inférieur de l’oesophage et une hyperpression abdominale, disparait vers 12-18 mois avec l’acquisition de la marche. Les erreurs diététiques doivent être recherchées et corrigées : quantités de lait raisonnables, bonne reconstitution, pauses, éviction des chaises rigides avant l’âge de 6 ou 7 mois et en réhabilitation du bavoir. Quant aux mesures positionnelles, la seule ayant montré son efficacité est le décubitus ventral à 30°, abandonné car il multiplie par un facteur 3 à 4 le risque de mort subite. Il peut par contre être conseillé de laisser le bébé en position surélevée 60 à 90 mn après le biberon avant de le coucher à plat sur le dos dans son lit. Si besoin, il est fait appel à des laits épaissis, en ajoutant des épaississants ou en conseillant un lait dit « AR » (la caroube ayant tendance à accélérer le transit et l’amidon de maïs ou de pomme de terre à le ralentir), ce qui est efficace sur le symptôme régurgitation mais pas sur le reflux.
Quand prescrire.
Le reflux maladie ne nécessite pas la réalisation d’une pH-métrie (examen de référence) s’il est cliniquement évident. Aujourd’hui le traitement se fonde sur la prescription d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP). Cette exploration est en revanche indiquée en cas de suspicion de reflux occulte face à un tableau atypique (signes ORL par exemple) sans signes digestifs. La fibroscopie fait, elle, le diagnostic de l’oesophagite ulcérée et est justifiée en cas de régurgitations avec pleurs, de refus de manger ou de cassure de la courbe de poids. L’attitude académique est de réaliser une fibroscopie puis de prescrire un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) en cas d’oesophagite. En pratique, il est acceptable de faire un traitement d’épreuve par IPP, de courte durée, avec une réévaluation après 15 jours. L’absence d’amélioration, normalement obtenue en 5 à 10 jours, fait envisager un autre diagnostic. « Il ne sert à rien de doubler les doses ou de changer de molécule, l’enfant doit être référé à un pédiatre spécialisé » insiste le Pr Gottrand.
Aujourd’hui le traitement du reflux maladie se fonde sur la prescription d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP). En effet, parmi les prokinétiques il ne reste que la dompéridone, qui n’a bénéficié que de peu d’études, négatives. Et si les antiacides ont un effet sur le pyrosis (et non pas sur le reflux) ils peuvent avoir des contre-indications s’ils contiennent de l’aluminium. Les IPP sont une classe thérapeutique sûre, dont les effets secondaires sont modérés sur de courte durée (moins de 2 mois), mais moins bien connus sur des durées prolongées.
Trois molécules ont une AMM en pédiatrie. L’oméprazole chez l’enfant de plus de un an dans l’oesophagite ulcérée avérée (donc confirmée par fibroscopie). Le pantoprazole chez l’enfant de plus de 12 ans en cas d’oesophagite, dans la prévention de la récidive d’oesophagite et dans le reflux symptomatique. Et enfin l’ésoméprazole, présenté en sachet-dose de 10 mg, dans les mêmes indications que le précédent mais dès l’âge de un an. « Très efficace et facile d’utilisation, le traitement par IPP ne doit pas pour autant être banalisé et prescrit dans le reflux physiologique ou les coliques », conclut le Pr Gottrand.
› Dr ISABELLE HOPPENOT
D’après un entretien avec le Pr Frédéric Gottrand, pôle enfant, gastro-entérologie hépatologie et nutrition, Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU, Lille
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