L’éradication du VHC stagne

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Publié le 27/09/2024
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Alors que des traitements efficaces existent pour guérir d’une infection au VHC, le dépistage, très insuffisant et mal ciblé, explique pourquoi le cancer primitif du foie ne diminue pas.

La population des toxicomanes ayant recours aux drogues intraveineuses, principale concernée, reste mal ciblée

La population des toxicomanes ayant recours aux drogues intraveineuses, principale concernée, reste mal ciblée
Crédit photo : GARO/PHANIE

En France, l’objectif avait été annoncé en 2010, avant le Covid, d’éradiquer le VHC en 2025. De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’était fixée de l’atteindre à l’horizon 2030. L’idée était de diminuer de 90 % le taux des nouvelles infections et de réduire des deux tiers la mortalité liée au VHC.

Le point noir du dépistage

Aujourd’hui, il n’y a pas de données réactualisées sur le nombre de nouvelles contaminations car la population concernée est celle des toxicomanes ayant recours aux drogues intraveineuses qui, bien souvent, se cache. Des estimations un peu anciennes sont de 5 000 nouveaux cas annuels mais le nombre de patients traités par an est inférieur – hormis un pic en 2017.

« Selon une étude que nous avions menée il y a trois ans dans les hôpitaux généraux, les médecins généralistes sont ceux qui dépistaient le plus de patients. L’un des problèmes est qu’il n’y a aucune donnée centralisée disponible sur les dépistages par les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) ou les kits-buvards, utilisés dans les structures médico-sociales qui accueillent de nombreux usagers des drogues. Ces tests diagnostiques sont bien financés, par les agences régionales de santé (ARS) ou l’Assurance-maladie, mais on demande uniquement aux structures qui les utilisent combien il leur en faut… jamais combien reviennent positifs ! », déplore le Dr André-Jean Rémy (CH de Perpignan).

Les résultats des tests diagnostiques ne sont pas colligés

Il existe aussi une inadéquation entre la population cible du dépistage et celle qui encourt des risques : les deux tiers des personnes dépistées sont des femmes en âge de procréer, notamment à l’occasion d’un désir de grossesse ou d’une grossesse en cours. « Ce dépistage n’est pas coût-efficace : sur plus de 3,6 millions de dépistages réalisés, 1/257 revient positif », note le Dr Rémy. Et les bonnes indications du dépistage ne sont pas toujours appliquées : ainsi, on découvre encore aujourd’hui des cirrhoses virales C post-transfusionnelles pour des personnes qui ont été transfusées avant 1992. Les patients à plus haut risque sont les usagers des drogues. On trouve aussi davantage de positivité au VHC parmi ceux qui ont une intoxication chronique à l’alcool et/ou des troubles psychiatriques.

Selon les données de l’Assurance-maladie, les personnes prises en charge actuellement pour une infection par le VHC sont ainsi majoritairement des hommes de plus de 50 ans.

Une bonne adhésion au traitement

Une fois le dépistage positif et la charge virale déterminée, le traitement peut débuter. Si en l’absence de cirrhose, tous les médecins peuvent le prescrire, ce n’est pas entré dans les mœurs : lors des Journées francophones d'hépato-gastroentérologie et d'oncologie digestive 2024, il a été relevé que 71 % des prescriptions se font à l’hôpital, 24 % par des gastro-entérologues libéraux et 5 % par des médecins généralistes.

Le schéma thérapeutique est simple : il repose sur 1 comprimé par jour pendant 12 semaines pour l’Epclusa ou 3 comprimés par jour pendant 8 semaines pour le Maviret. « Les deux sont équivalents et permettent la guérison dans 95 à 97 % des cas, ils sont sans effet indésirable et bien acceptés », note le Dr Rémy.

Cependant, ils ne protègent pas d’une éventuelle réinfection (ils ne permettent pas la fabrication d’anticorps protecteurs). « Le fait que ce traitement soit bien supporté (ce qui n’était pas le cas, antérieurement, de l’interféron) joue aussi sur l’image de l’hépatite C : elle fait moins peur et incite peut-être moins à la prévention », note le spécialiste.

Des incohérences de prise en charge

Des progrès sont à faire aussi sur le parcours de soins, notamment à l’hôpital psychiatrique. « Les patients sont mieux pris en charge en prison, explique le Dr Rémy. Le coût du traitement est intégré dans le budget global de l’hôpital psychiatrique, pénalisant ce dernier (à l’exception de l’ARS d’Occitanie, où tous les patients sont traités), ce qui n’est pas le cas de la filière carcérale, où le dépistage est systématiquement proposé et l’accès au traitement pris en charge hors budget ; cette prise en charge de tous les patients permet d’abaisser très fortement la charge virale au sein des établissements pénitentiaires. Les recontaminations concernent majoritairement le milieu extérieur. »

Entretien avec le Dr André-Jean Rémy (CH de Perpignan)

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du Médecin