Le système CRISPR utilise un ARN guide (ARNg) couplé à une enzyme nucléase, le plus souvent Cas9, pour couper de façon programmable un segment spécifique des 2 brins d’ADN et repose sur un mécanisme de réparation de la cellule pour boucher le trou avec la séquence d’ADN désirée. Ce système agit surtout dans les cellules en division ; parfois, le processus insère ou supprime des bases de façon indésirable. Alors que CRISPR est excellent pour inactiver des gènes, il est moins bon pour effectuer des changements précis tel que corriger une mutation ponctuelle.
Crayons génomiques plutôt que ciseaux
Les éditeurs de bases offrent des outils plus précis. « CRISPR s’apparente aux ciseaux tandis que les éditeurs de bases ressemblent aux crayons », explique le chercheur David Liu du Broad Institute du MIT et Harvard à Cambridge (États-Unis) qui a dirigé l’étude publiée dans « Nature » qui décrit une « machine moléculaire » capable d'éditer de l'ADN à la lettre près. Son étude fait écho à celle du Pr Feng Zhan, également du Broad Institute du MIT et Harvard à Cambridge, qui publie dans « Science » ses travaux sur un nouvel outil « REPAIR » d'édition de l'ARN.
Les éditeurs de bases empruntent des composants de CRISPR, tels l’ARNg et Cas9 ou d'autres nucléases, mais ils ne coupent pas la double hélice et modifient chimiquement une base en utilisant une enzyme désaminase telle que TadA et ADAR. Ces systèmes fonctionnent aussi dans des cellules ne se divisant pas.
Chaque base sur un brin d’ADN se lie à une base partenaire sur le brin opposé, de telle façon que la base adénine se couple à la thymine (A - T) et la guanine se couple à la cytosine (G - C). En 2016, l’équipe de Liu avait décrit un éditeur de base (fusionnant l’ARNg, Cas9mutant et l’enzyme APOBEC1) pouvant changer la paire C-G en T-A. Cependant, la moitié des mutations ponctuelles liées aux 32 000 maladies à ce jour identifiées, sont des changements G-C en A-T.
L’équipe de Liu a donc cherché à développer un éditeur de base adénine (EBA) pouvant corriger A-T en G-C. Ils ont fusionné l’ARNg au Cas9mutant et ont dû créer une nouvelle enzyme. Ils sont partis d’une enzyme TadA d’E. coli capable de convertir l’adénine en inosine (traitée comme la guanine dans les cellules) mais seulement dans l’ARN de transfert (et non dans l’ADN) et sont parvenus à faire évoluer cette enzyme pour qu’elle opère sur l’ADN lorsqu’elle est fusionnée au CRISPR-Cas9m. Leur EBA de 7e génération est capable de changer l’A-T en G-C dans 50 % des cellules humaines. Ils ont aussi pu corriger par exemple une mutation responsable de l’hémochromatose héréditaire dans des cellules humaines in vitro.
Avec tous les éditeurs de bases disponibles, il est maintenant possible de corriger toutes les mutations « transition » - (C -> T), (T -> C), (A -> G), ou (G -> C) - responsables d’environ 2/3 des mutations ponctuelles impliquées dans les maladies, dont certaines graves et sans traitement.
REPAIR pour l'ARN
Dans la revue « Science », l’équipe du Pr Feng Zhan (Broad Institute du MIT et Harvard à Cambridge, États-Unis) décrit le nouvel outil « REPAIR » (RNA Editing for Programmable A to I Replacement). Pour créer REPAIR, les chercheurs ont exploré les enzymes CRISPR-Cas13 qui ciblent et coupent l’ARN et ont sélectionné la PspCas13b de la bactérie Prevotella ; l’enzyme a été désactivée pour ne pas couper l’ARN puis fusionnée à la protéine ADAR2 qui transforme la base A en I dans l’ARN. Les chercheurs ont pu ainsi corriger des mutations au niveau ARN dans des cellules humaines.
« Jusqu'à présent, nous sommes parvenus à inactiver les gènes, mais il est beaucoup plus difficile de récupérer la fonction perdue d’une protéine. Cette nouvelle capacité à éditer l'ARN ouvre davantage de possibilités pour récupérer cette fonction dans presque n’importe quel type cellulaire et traiter ainsi de nombreuses maladies », souligne le Pr Zhang, qui a contribué à la découverte de la technologie CRISPR.
Contrairement aux modifications permanentes du génome requises pour éditer l'ADN, éditer l'ARN offre un moyen plus sûr et plus flexible d’effectuer des corrections dans la cellule. « REPAIR peut corriger les mutations sans altérer le génome, et parce que l'ARN se dégrade naturellement, c'est une solution potentiellement réversible », ajoute le chercheur David Cox, premier signataire et membre du laboratoire du Pr Zhang. Les chercheurs estiment que REPAIR pourrait être utilisé dans diverses maladies telles que les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, ou pour conférer une protection contre des maladies auto-immunes (diabète de type 1, LED, psoriasis, déficit en IgA…).
Gaudelli et coll., Nature 26 octobre 2017, Cox et coll., Science 26 octobre 2017
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