Les résidents en Ehpad souffrent d’affections multiples et sont souvent polymédiqués. D’où la complexité du travail de médecin traitant dans ces structures, rendu encore plus compliqué par des moyens techniques insuffisants.
Être médecin traitant exerçant en Ehpad n’est pas une sinécure. Le vieillissement de la population ainsi que le retardement de l’entrée en Ehpad, sous l’effet notamment du prolongement du maintien à domicile, entraîne une augmentation du degré de dépendance des résidents accueillis.
Un rapport de l’Observatoire des Ehpad (2014) constate le recul de l’âge moyen d’entrée en établissement (passé de 80,2 ans en 1990, à 85,06 ans en 2013), ainsi qu’une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes (1,2 million de personnes dépendantes en 2013, 1,8 million prévues en 2050). L’entrée plus tardive s’accompagne d’un état de plus grande fragilité, tant sur le plan sanitaire que sur celui de la dépendance.
De fait, huit résidents en Ehpad sur dix soufrent, d’après une enquête de la Drees de 2011, d’au moins une affection neuropsychiatrique, plus d’un tiers présentant un syndrome démentiel et/ou un état dépressif, et environ un quart, un état anxieux et/ou un trouble du comportement. De plus, trois quarts des résidents sont atteints d’au moins une affection cardiovasculaire, l’hypertension artérielle étant la plus fréquente, l’insuffisance cardiaque arrivant à la deuxième place.
Patients polymédiqués
Une autre enquête de la Drees (2006) révèle, quant à elle, que la moitié des résidents des maisons de retraite présentent au moins une affection ostéo-articulaire, surtout les femmes. Et que les pathologies uro-néphrologiques et gastro-entérologiques atteignent environ un tiers des personnes âgées. Quant aux maladies endocriniennes, elles touchent 26 % de la population hébergée en établissement, et les affections bronchopulmonaires un résident sur cinq. Enfin, des maladies dermatologiques sont diagnostiquées chez 18 % de la population en résidence. En moyenne, les patients des Ehpad cumulent six à huit pathologies et consomment 6,5 médicaments par jour.
Le fonctionnement du suivi médical dans ces établissements ajoute encore aux difficultés de la prise en charge. Deux types de professionnels de santé y sont en effet présents : le médecin coordonnateur et le médecin libéral. Or les médecins libéraux ont un emploi du temps serré. Ils sont généralement débordés et essaient de raccourcir leur temps de présence dans les maisons de retraite, d’autant que leur rémunération est souvent jugée comme insuffisante. D’autre part, ils ont tendance à ignorer le médecin coordonnateur, dont ils méconnaissent souvent le rôle d’organisation du suivi médical et de la permanence des soins.
Plus d’anticipation
Un rapport de l’URPS Pays de la Loire de 2014 conclut que « des éléments pourraient permettre une amélioration de l’activité libérale et et de la coordination des soins en Ehpad ». Il cite notamment : une plus grande anticipation des interventions par les médecins, un signalement à l’entrée et la préparation du patient et de son dossier, par le personnel de l’Ehpad, en amont de l’arrivée du médecin. L’homogénéisation des systèmes d’information dans les Ehpad, et leur compatibilité avec les logiciels métiers des médecins ainsi qu’une systématisation des rencontres entre le médecin coordonnateur et le médecin traitant sont des pistes évoquées.
à la complexité des problèmes médicaux et de la coordination des soins, s’ajoutent ceux posés par les situations impliquant des transferts. Ainsi, la prise en charge d’un résident décompensant une BPCO, nécessite souvent une hospitalisation de nuit. Or, du fait de la politique hospitalière, ces patients sortent souvent le lendemain matin et doivent rapidement être réhospitalisés. Dans la prise en charge des pathologies cardiovasculaires, la stratégie impose généralement une échocardiographie/Doppler souvent irréalisables sur place et requérant l’accès à un plateau technique cardiologique. Ce qui n’est pas facile pour un résident souffrant de handicap moteur ou de troubles cognitifs, en particulier lorsque les Ehpad sont éloignés des centres urbains. De plus, l’éducation thérapeutique est limitée chez ce type de malades et la capacité à suivre une réadaptation physique freinée par les handicaps locomoteurs, ainsi que par une motivation parfois insuffisante des soignants.
Autre exemple, le généraliste doit faire appel au psychiatre dès qu’il a un doute sur l’étiologie des troubles ou lorsqu’il s’agit d’adapter un traitement psychotrope « de fond ». Des équipes mobiles de psychiatrie du sujet âgé se sont développées sur le territoire, avec pour mission de se déplacer auprès du patient âgé dans les Ehpad. Mais elles sont encore insuffisantes en nombre.
Le problème existe aussi pour les pathologies ostéoarticulaires, où l’injection de corticoïdes est souvent pratiquée par un rhumatologue. Elle impose de mobiliser les patients au cabinet de rhumatologie, ce qui n’est pas simple, notamment en milieu rural ou semi-rural.
Peu d’études en Ehpad
Il faut enfin remarquer que très peu d’études sont réalisées sur les pathologies des résidents en Ehpad, ce qui ne permet pas de faire apparaître leurs particularités et d’améliorer leur prise en charge. Cependant, une enquête de 2013 de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie montre que certaines maladies, comme les troubles psychiques et comportementaux ou la dénutrition, sont, aujourd’hui, mieux dépistées et traitées au sein de ces établissements, du fait d’infrastructures mieux adaptées et de recommandations mieux suivies.