Cancer du pancréas

Des avancées très limitées

Publié le 22/06/2015
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Seules 15 % des formes sont opérables d'emblée

Seules 15 % des formes sont opérables d'emblée
Crédit photo : PHANIE

« Le cancer du pancréas est l’un des rares cancers dont la fréquence augmente en propre en France, c’est-à-dire indépendamment du vieillissement de la population. Cette évolution est manifestement en lien avec le tabagisme, vu la corrélation entre consommation de tabac et cancer pancréatique. Et les femmes de 45-50 ans ayant commencé à fumer à l’adolescence ne sont pas rares à souffrir de ce cancer », souligne d’entrée le Pr Serge Evrard (Institut Bergonié, Bordeaux).

Mauvais pronostic

Le cancer du pancréas, qui touche 8 000 à 10 000 français par an, reste de très mauvais pronostic. « Comme le cancer du sein, il se développe sur un modèle métastatique parallèle, contrairement aux modèles linéaires. Les métastases peuvent se développer très tôt, avant même que la tumeur primitive n’ait grossi. Résultat, seulement 15 % des formes sont d’emblée opérables », souligne le Pr Evrard. Par ailleurs, ce cancer est caractérisé par une grande hétérogénéité tumorale. Et les métastases bénéficient d’une sélection clonale favorisant l’apparition de clones de plus en plus agressifs et résistants aux traitements.

Échec des thérapies ciblées

Malgré les multiples mutations identifiées, notamment de KRAS, les thérapies ciblées n’ont pas fait leurs preuves dans le cancer du pancréas, probablement en raison de son hétérogénéité. « Aucune des mutations identifiées n’a aujourd’hui d’implication thérapeutique », résume le Pr Evrard. Il reste néanmoins un espoir dans les formes localement évoluées, qui ne sont ni d’emblée opérables ni d’emblée métastatiques. « Elles sont fréquemment associées à la mutation d’un gène (SMAD4) et cette mutation pourrait ouvrir une piste pour ces formes localement agressives », explique-t-il.

Traitement néoadjuvant, ou pas

Le traitement néoadjuvant – chimiothérapie ou radiothérapie – avant chirurgie des cancers localement avancés, est-il utile ? L’analogie avec le cancer colorectal est tentante. C’est aujourd’hui l’une des grandes questions. Elle fera d’ailleurs l’objet d’une controverse lors de ce congrès de la SFC.

La radiothérapie n’apporte pas de bénéfice en survie, comme l’a montré l’essai clinique LAP07 (1) et les thérapies ciblées, notamment l’erlotinib (anti KRAS) non plus.

« Ce sont donc aujourd’hui les chimiothérapies associant gemcitabine/nab-paclitaxel ou 5FU/oxaliplatine/irinotecan (Folfirinox) qui semblent les plus intéressantes en situation néoadjuvante. Mais le bénéfice reste très limité, avec globalement un taux de réponse complète de moins de 5 % selon une méta-analyse » note le Pr Evrard.

Néanmoins, l’immunothérapie, qui a l’avantage de permettre de contourner l’hétérogénéité tumorale, pourrait ouvrir de nouvelles perspectives. Divers essais testent aujourd’hui l’immunothérapie utilisant un vaccin (Ag) couplé à un inhibiteur de check point type anti-CTLA4 ou anti PD1.

D’après un entretien avec Serge Evrard (Institut Bergonié, Bordeaux)

(1) Hammel P et al. Comparison of chemoradiotherapy (CRT) and chemotherapy (CT) in patients with a locally advanced pancreatic cancer (LAPC) controlled after 4 months of gemcitabine with or without erlotinib: Final results of the international phase III LAP 07 study


Source : Le Quotidien du Médecin: 9422