« Plusieurs rapports publiés ces cinq dernières années ont mis l’accent sur l’importance du maintien au travail, problème récurrent qui touche un nombre extrêmement élevé de travailleurs », rappelle la Pr Sophie Fantoni-Quinton, professeuse de médecine du travail à l’Université de Lille. En effet, quelque 15 millions de Français seraient en situation de maladie chronique, condition qui va bien au-delà du handicap. Le maintien en emploi est une préoccupation grandissante pour deux principales raisons. D’une part le recul de l’âge de la retraite, avec les problèmes de pénibilité cumulée physique et psychique au travail qui en découlent. Et d’autre part la meilleure prise en charge des maladies chroniques, le maintien au travail, qui fait partie intégrante de la qualité de vie globale des personnes, devenant alors possible.
« Améliorer le maintien au travail est un enjeu de santé publique, de santé au travail et de santé des entreprises », souligne la Pr Fantoni-Quinton. Pour ce faire, il est essentiel d’anticiper en repérant les personnes vulnérables, puis d’agir en coordination entre les différents acteurs, le travailleur et les médecins, en utilisant tous les outils mobilisables.
Les leçons de l’épidémie de Covid-19
L’épidémie de Covid-19 illustre bien les différents volets de la problématique. Elle affecte la santé des entreprises ; de nombreux travailleurs vont perdre leur emploi, au-delà du risque social, cela peut conduire à une moindre santé globale. La maladie elle-même pourrait entraîner des séquelles, notamment respiratoires. Côté positif, l’épidémie a révélé l’importance de la coordination et de la collaboration interprofessionnelle et du décloisonnement des compétences. « Les médecins ont intérêt à discuter et échanger, dans le respect des règles déontologiques, pour avoir un discours cohérent, rassurant pour la personne, ce qui facilite le maintien au travail », estime la Pr Fantoni-Quinton. L’épidémie a aussi permis de prendre en compte la vulnérabilité de nombreuses personnes, qui jusqu’alors avaient eu tendance à ne pas en parler et qui, à la faveur de l’épidémie, souvent sur les conseils de leur médecin traitant, ont informé les services de santé au travail de leurs vulnérabilités, celles-ci allant parfois au-delà du cadre limitatif des listes de vulnérabilités réglementaires.
En effet, la liste des personnes vulnérables à risque de développer une forme grave de Covid-19 et pouvant donc bénéficier depuis le 1er mai dernier d’un dispositif d’activité partielle, définie par le décret n° 2020-521 du 5 mai 2020, ne recouvre pas certaines situations limites.
« En pratique, les recommandations sur le maintien en emploi de la Société française de médecine du travail (SFMT), élaborées en collaboration avec la HAS et publiées en février 2019 (1), vont pouvoir être plus largement appliquées », indique la Pr Fantoni-Quinton, notamment pour ce qui concerne les collaborations entre les médecins. À titre emblématique, la SFMT a publié le 10 mai dernier des recommandations sur le « Retour au travail dans le cadre de l’épidémie de COVID-19 » (2), en y associant le Collège national de médecine générale, avec des algorithmes décisionnels utiles aux médecins généralistes.
Entretien avec la Pr Sophie Fantoni-Quinton, professeuse de médecine du travail, Université de Lille
(1) HAS février 2019. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2903507/fr/sante-et-maintien-en-emploi-…
(2) SFMT, 10 mai 2020. » Retour au travail dans le cadre de l’épidémie de COVID-19 ». http://www.chu-rouen.fr/sfmt/autres/COVID_Retour_au_travail.pdf
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