À l'entrée de l'ancien hospice Saint-Michel, le barnum dressé est un signe extérieur des désagréments vécus par l'espace solidarité insertion (ESI) installé dans ces superbes locaux situés en bordure du périphérique parisien. En ce jour pluvieux de mai, il sert d'abri aux sans domicile fixe de passage.
Mais il a surtout vocation à accueillir ceux qui ne peuvent plus être accueillis dans les locaux, épidémie de Covid oblige. Si le lieu dispose à l'étage de 30 lits haltes soins santé (LHSS) de nuit destinés aux personnes précaires, seuls 26 d'entre eux sont maintenus afin de respecter les gestes barrières. Ce dispositif accueille des personnes nécessitant des soins paramédicaux. Des patients y sont admis à la suite d'une opération de chirurgie orthopédique en rééducation, ou pour une infection aiguë dont la prise en charge ambulatoire est incompatible avec la vie dans la rue. On croise aussi beaucoup de pathologies chroniques décompensées.
Confinement et décompensations
Au rez-de-chaussée, les consultations infirmières et médicales voient arriver en moyenne 10 personnes sur les 150 accueillies chaque jour par le centre, parfois repérées lors d'une douche médicalisée. Les motifs de consultation sont variés : beaucoup de dermatoses chroniques, des insuffisances cardiaques, des diabètes, des troubles psychiatriques ou respiratoires, des dépendances à l'alcool. Ce jour-là, un homme se plaint de troubles ORL lors d'un travail sur un chantier.
Au mois de mars 2020, « ces gens se sont retrouvés confinés du jour au lendemain », explique Sylvie Clément, infirmière à l'ESI. Si l'accueil de jour a dû être stoppé, la halte de nuit a poursuivi son activité, afin de maintenir les piluliers des habitués qui les récupéraient à travers la grille de l'entrée. « C'est un bon réflexe qu'on a eu tout de suite, mais on a quand même perdu beaucoup de monde, poursuit Sylvie Clément. Certains ont dû se trouver des endroits où ils pouvaient vivre, et on a mis plusieurs mois à en récupérer. »
À l'entrée du lieu, Sébastien Renaud est chargé d'orienter les arrivants. Avec la crise Covid, il a vu apparaître de nouveaux visages : « des travailleurs précaires qui survivaient de petits boulots dans la restauration qui ont été frappés de plein fouet par la fermeture des bars et restaurants », résume-t-il.
« Tous les centres médico-psychologiques étaient fermés, se souvient pour sa part la Dr Sylvie Salaün, un des médecins qui anime la consultation médicale. On a assisté à des détresses psychologiques très importantes. Beaucoup d'hépatites et de pathologies digestives, de BPCO et de tuberculose ont décompensé. »
Des visages multiples à la précarité
Jusqu'en octobre dernier, le fonctionnement était toujours ralenti par le dépistage Covid obligatoire à l'entrée, de même qu'un protocole de mise en isolement face à des cas suspects. Le dépistage obligatoire a été levé, dans la mesure où « au final, il y a eu très, très peu de cas de Covid chez les grands exclus, peut-être une ou deux suspicions, détaille Sylvie Clément. Les personnes précaires font très peu de grippe en temps normal, elles vivent isolées ».
Dans les centres d'hébergements parisiens, en revanche, davantage de cas furent à déplorer. Parmi les usagers fréquentant les sites de l'association parisienne Aurore, 584 cas ont été confirmés depuis le 30 mars 2020, auxquels il faut ajouter les 339 cas recensés parmi les salariés de l'association, répartis dans une vingtaine de clusters.
À l'ESI, les travailleurs sociaux ont dû composer avec les hoquets de la surcharge hospitalière. « Dès la mi-mars, tous les rendez-vous étaient annulés, se souvient Sylvie Clément. En juin, on a dû reprendre tout le suivi, sans avoir le personnel pour y
parvenir ».
Et quand des rendez-vous sont annulés, « on peut ne plus en avoir d'autres avec ces populations-là, complète la Dr Salaün. Il y a plusieurs grades dans l'exclusion, depuis le SDF, qui vit au bois et qui a encore du lien social, au grand exclu qui n'est dans le circuit de soins que presque mourant ». Le personnel de l'ESI développe « l'aller vers » pour récupérer les sans domicile fixe perdus de vue. Depuis le déconfinement, une
maraude de jour a été mise en place.
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