Quand il est question des arrêts de travail deux pistes principales émergent rapidement : l’action sur le prescripteur et la responsabilisation des salariés. Une troisième piste d’action est moins souvent abordée : celle des conditions de travail. Nous distinguerons également deux problématiques dont les déterminants ne sont pas tout à fait les mêmes : les arrêts de travail courts et les arrêts de travail longs, qui sont minoritaires mais représentent la majorité des dépenses.
Puisque nous constatons une hausse des arrêts de travail, il est assez naturel de vouloir agir sur le prescripteur. Si nous ne devons pas nous exonérer de cette responsabilité collective il convient de rappeler que le médecin, dans un colloque singulier avec son patient, vise avant tout à agir dans l’intérêt de son patient. Or si l’arrêt de travail permet au patient dont les capacités fonctionnelles sont altérées de ne pas se rendre au travail il s’agit également (et avant tout ?) d’un outil thérapeutique devant permettre au patient de recouvrer et de protéger son état de santé. Concernant les arrêts de travail courts, rappelons les effets délétères du présentéisme et il ne s’agit donc peut-être pas de limiter à tout prix le recours à l’arrêt de travail. De nombreux patients refusent d’ailleurs les arrêts de travail que nous leur proposons.
Il existe des référentiels de durée de travail proposés par l’HAS et la CNAM ; et il existe des propositions visant à élargir le champ des pathologies couvertes par ces référentiels mais surtout de demander au médecin de justifier le dépassement de la durée recommandée voire même d’instaurer un système de bonus / malus. Si ces référentiels peuvent tout à fait être une aide à la décision leur donner un caractère normatif serait nier la complexité que représente la décision de prescription d’un arrêt de travail qui s’inscrit dans le modèle biopsychosocial.
Si une action concernant les prescripteurs peut aller à la fois dans le sens des patients et de la réduction des arrêts de travail elle concerne les arrêts de travail long. En effet ce sont ces arrêts qui sont à la fois le plus coûteux pour les finances publiques et potentiellement le plus délétère pour le patient puisque les patients en arrêts de travail depuis plus de 6 mois ont un risque important de désinsertion professionnelle. Nous devons améliorer le repérage par les médecins des situations à risque de désinsertion professionnelle et la mise en place d’une démarche de maintien en emploi le plus tôt possible afin d’éviter que l’arrêt de travail ne se prolonge. Cela passe également par la promotion de la visite de pré reprise et d’une meilleure collaboration avec les services de santé au travail.
Concernant la responsabilisation des patients, il est souvent question du niveau d’indemnisation et du délai de carence pour lequel les études ne sont pas unanimes concernant son effet. Il y a bien entendu des abus mais les contrôles ne mettent en évidence que moins de 10 % d’arrêts injustifiés.
Mettre l'accent sur les conditions de travail
On en vient donc à l’action sur les conditions de travail. Les cadres et professions intermédiaires se voient prescrire moins d’arrêts de travail que les employés ou les ouvriers : quelles explications à cela ? Au-delà des inégalités sociales de santé, nous pouvons imaginer deux facteurs explicatifs : les conditions de travail et l’autonomie dont disposent les cadres par exemple pour gérer leurs conditions de travail et leurs absences.
Les conditions de travail pénibles peuvent être en cause dans la genèse des problèmes de santé comme c’est le cas notamment des troubles musculo squelettiques. Mais elles peuvent également limiter la reprise du travail : on peut plus facilement exercer un travail de bureau avec infection virale peu sévère qu’un travail physique. Si on veut diminuer durablement et efficacement la prescription d’arrêt de travail il convient d’agir sur ces conditions de travail.
Toutes les conditions de travail pénibles ne peuvent bien entendu pas être supprimées, surtout pas à court terme, mais les employeurs pourraient également permettre des adaptations de poste et/ou des conditions de travail temporaires plus facilement. Des dispositifs de retraite progressive ou des aménagements de fin de carrière pourraient également être bénéfiques, le recours aux arrêts de travail augmentant avec l’âge. Permettre aux salariés qui doivent s’absenter un ou plusieurs jours pour raison de santé d’avoir l’opportunité de récupérer ce temps d’absence dans les semaines qui suivent pourrait également être une piste d’action.
Enfin, des statistiques unifiées seraient probablement un atout pour mieux comprendre le phénomène et ainsi mieux y répondre. L’impact des différentes crises successives récentes (économiques, écologiques, sanitaires, militaires, …) est notamment difficile à appréhender.
Au total, agissons sur les conditions de travail et l’autonomie des salariés et améliorons la prévention de la désinsertion professionnelle.
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