Les maladies inflammatoires sont en augmentation dans le monde et la responsabilité de l’alimentation a pu être démontrée dans plusieurs domaines. « Au Japon, alors que la maladie de Crohn n’était pas retrouvée en 1966, elle a augmenté au fur et à mesure que l’alimentation a changé, avec davantage de graisses animales, d’omégas-6, de sucres raffinés, de fast food, s’éloignant du régime traditionnel riche en poissons, omégas-3, fruits et légumes », souligne le Pr Xavier Hébuterne (gastro-entérologue, CHU Nice), orateur de la conférence plénière des dernières Journées francophones de nutrition (JFN), consacrée à ce sujet. De même, il existe un surrisque de développer une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (Mici) associé à la consommation de boissons sucrées, mais pas à celle de boissons édulcorées ou de jus de fruits naturels.
L’obésité est également source d’inflammation : un lien est établi entre prise de poids excessive et psoriasis, rhumatisme psoriasique, polyarthrite rhumatoïde. C’est un peu moins évident pour les Mici. La perte de poids après chirurgie bariatrique améliore le psoriasis.
+450 %
C’est le surrisque de maladie de Crohn pour ceux qui consomment le plus d’aliments ultratransformés
Haro sur les produits ultratransformés
Une étude réalisée dans 21 pays, hors Europe et États-Unis, sur plus de 116 000 adultes de 35 à 70 ans, évalués tous les trois ans entre 2003 et 2016 avec un suivi médian de 9,7 ans, a montré que le risque de Mici n’est pas majoré chez ceux qui consomment moins d’une portion par jour d’aliments ultratransformés, mais qu’il augmente de 450 % pour la maladie de Crohn à partir de cinq portions par jour (1). Ces chiffres sont confirmés dans de nombreux autres travaux.
« Aujourd’hui, le politique ne peut plus attendre pour informer la population de ce risque de santé publique. Il faut agir, d’autant que l’alimentation ultratransformée représente déjà 30 % de nos apports caloriques en France (contre plus de 50 % dans les pays anglo-saxons). C’est le cas des céréales du matin, des sauces, yaourts sucrés, en-cas, etc. », rappelle le Pr Hébuterne. À noter qu’il est possible de savoir si un aliment est ultratransformé en le scannant sur le site fr.openfoodfacts.org (2).
Informer les populations sur les risques est un devoir politique
Pr Xavier Hébuterne
En cause notamment, les procédés de transformation et les additifs alimentaires de ces produits, comme le carboxyméthylcellulose, dont 15 g/j d’apport dégrade la diversité du microbiote en l’espace de deux semaines (3) !
Ce qui fonctionne… ou pas
En poussée aiguë d’une maladie de Crohn, le régime Crohn’s Disease Exclusion Diet, qui consiste à supprimer notamment tous les produits ultratransformés, fonctionne aussi bien que l’alimentation entérale – traitement de référence – et ce, avec une meilleure observance !
Le régime méditerranéen est associé à un moindre risque de maladie de Crohn. Et, chez des enfants de patients qui en sont atteints, il ressort que ceux qui suivent davantage cette diète ont moins d’inflammation infraclinique.
Toujours dans la maladie de Crohn, les compléments alimentaires à base d’oméga-3 n’ont pas donné de résultat, pas plus que la curcumine ou les probiotiques (ils pourraient présenter un intérêt dans les formes non sévères de la rectocolite hémorragique [RCH]).
Le jeûne thérapeutique n’a pas démontré son intérêt pour le moment (des études sont en cours pour le jeûne intermittent).
Le régime sans gluten et sans Fodmaps, ainsi que le régime végétarien, n’ont pas non plus montré d’intérêt.
RIC : nombreuses idées non validées
Pour ce qui est des rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC), l’Organisation internationale pour l’étude des maladies inflammatoires de l’intestin (IOIBD) et la Société européenne de nutrition clinique et métabolisme (Espen) recommandent des fruits, des légumes, des poissons et une grande prudence avec les produits ultratransformés, sans oublier une activité physique adaptée. Ces conseils nutritionnels ne doivent pas se substituer au traitement pharmacologique des RIC, précisent-elles.
La Société française de rhumatologie (SFR) préconise, en outre, d’accompagner les patients en surpoids vers une perte de poids ; de ne pas proposer de régime sans gluten en dehors d’une maladie cœliaque ; de ne pas proposer de jeûne ou de régime végétalien pour contrôler l’activité du RIC, pas plus qu’elle n’indique une supplémentation vitaminique (B9, D, E, K), en oligoéléments (zinc, sélénium) ou en probiotiques.
En revanche, la SFR valide une supplémentation en oméga 3 (≥ 2 g/jour) à visée symptomatique chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR), et probablement d’autres RIC, ainsi qu’une alimentation de type méditerranéen.
Enfin, certaines supplémentations (safran, cannelle, ail, gingembre, sésamine, concentré de grenade) pourraient avoir un effet bénéfique sur l’activité de la PR mais les données actuelles sont trop limitées pour les proposer formellement.
« Les patients reçoivent toutes sortes de conseils alimentaires de leur entourage, mais pas assez des soignants (seules un tiers en émanent) ! Attention à ne pas être excessif car un régime trop contraignant a des répercussions sur la vie sociale », préconise le Pr Hébuterne, qui résume : « Les quatre piliers sont des produits frais (fruits et légumes de saison), davantage de poisson, cuisiner maison au moins cinq jours par semaine, pratiquer une activité physique, limiter les aliments ultratransformés et les additifs alimentaires ».
(1) Narula N et al. BMJ. 2021 Jul 14:374:n1554
(2) https://fr.openfoodfacts.org
(3) Chassaing B et al. Gastroenterol 2022;162(3)743-56
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