Si, pendant longtemps, le port des lentilles était apprécié essentiellement pour des raisons esthétiques ou réfractives, aujourd’hui la donne a changé. Il existe un panel de lentilles correctrices qui couvrent toutes les amétropies, du nourrisson à la personne âgée.
Toutes les études démontrent que l’orthokératologie est le meilleur moyen de freiner l’évolution de la myopie de l’enfant et de l’adolescent. La myopie est même qualifiée d’épidémie en Asie du Sud-Est, où elle représente un important problème de santé publique puisqu’elle concernerait près de 70 % des jeunes générations. En Europe, les chiffres sont moindres, avec 25 à 30 % de sujets myopes. C’est d’ailleurs en Asie qu’ont été lancées les grandes études sur la freination de la myopie par orthokératologie. Après avoir démontré que les sous-corrections optiques aggravaient l’évolution de la myopie et qu’il fallait corriger les enfants à la correction myopique maximale, de préférence en lentilles rigides perméables à l’oxygène, qui stabilisaient la myopie avec une petite action freinatrice, sont arrivés les résultats publiés par Pauline Cho à Hong Kong, grande pionnière de la freination myopique par orthokératologie.
Les études ont montré que les verres correcteurs focalisant l’image sur la macula induisaient, a contrario, une défocalisation périphérique, due à la géométrie du verre, en projetant les images en avant de la rétine périphérique. Cette défocalisation induit un mécanisme de compensation du défaut optique par allongement et ovalisation du globe, vérifié par l’augmentation de la longueur axiale du globe, responsable de l’aggravation de la myopie. « La myopie d’un enfant s’aggrave si elle est sous-corrigée, précise le Dr Xavier Subirana. Si on la corrige avec des lunettes à la bonne correction, l’évolution est aléatoire. L’orthokératologie ne va pas stopper l’évolution de la myopie mais elle va la freiner, ce qui peut permettre au patient d’avoir, lorsqu’il sera adulte, une myopie de moindre correction, lui offrant la possibilité, s’il le souhaite, d’envisager une future chirurgie réfractive ».
Freiner l’évolution de la myopie
Les premières lentilles de ce type ont été posées pour les individus qui ne voulaient pas (ou ne pouvaient pas) porter de lunettes dans la journée, comme par exemple les nageurs, les skieurs, les danseurs... Très controversées au début des années 2000, leur prescription a progressivement augmenté jusqu’à atteindre des centaines de milliers d’enfants en Chine.
Ces lentilles, qui ne sont portées que la nuit, pendant le sommeil de l’enfant, agissent en créant des pressions et des contre-pressions sur le film lacrymal sous la lentille. Cela modifie les épaisseurs d’épithélium en imitant parfaitement, en topographie cornéenne, l’image résultant d’une chirurgie réfractive. En 48 à 72 heures, l’enfant n’a plus besoin de correction durant la journée avec une acuité à 10/10 sans correction. La méthode est totalement réversible, la topographie cornéenne revenant à l’état antérieur en très peu de jours.
À titre d’exemple, si les parents souhaitent arrêter le port pour des vacances, l’enfant retrouvera sa myopie antérieure après 3 à 4 jours, et pourra reporter ses anciennes lunettes sans problème. Pour obtenir un effet freinateur durable dans le temps, des études récentes ont montré qu’il était nécessaire de poursuivre l’orthokératologie jusqu’à l’âge adulte. En cas d’arrêt trop précoce avant la stabilisation de la myopie, celle-ci reprenait son évolution dès le retour à la correction lunettes.
Cette méthode est pratiquée par une centaine d’ophtalmologistes en France. « C’est plus qu’une évolution, c’est une révolution, note le Dr Subirana. Mais cette technique peut être inefficace et doit être arrêtée par exemple chez un enfant agité la nuit, ou se frottant les yeux, ce qui induit des déplacements des lentilles ne permettant pas un parfait centrage du traitement. Il faut aussi noter que 6 heures de sommeil par nuit sont nécessaires pour que la méthode soit efficace ».
L’orthokératologie est validée pour de faibles myopies (jusqu’à – 5/ – 6). Actuellement, existent aussi des lentilles d’orthokératologie pour les hypermétropies faibles, et pour les presbyties. Mais, dans ces cas, les résultats sont plus aléatoires.
« Il existe également, remarque le Dr Subirana, un essor important des lentilles jetables journalières qui font une grande avancée, surtout dans le domaine des jetables multifocales pour la presbytie, offrant la possibilité d’un port occasionnel mixant lunettes et lentilles progressives selon les circonstances de la vie. Aujourd’hui avec les lentilles, on peut corriger la myopie, l’astigmatisme, l’hypermétropie et la presbytie. On s’ajuste aux souhaits des individus et à leur mode de vie ».
Entretien avec le Dr Xavier Subirana, ophtalmologiste, Paris
Cho P et al. The longitudinal orthokeratology research in children (LORIC) in Hong Kong: a pilot study on refractive changes and myopic control. Curr Eye Res 2005 Jan ;30(1):71-80
Santodomingo JR et al. Myopia Control with Orthokeratology Contact Lenses in Spain (MCOS): Study Design and General Baseline Characteristics Optom. 2009 ;02:215-22
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