Physiopathologie de la sécrétion acide
L’acidité gastrique est produite par la cellule pariétale gastrique, sous l’influence de trois promoteurs initiaux : la gastrine, le récepteur à l’histamine et le récepteur à l’acétylcholine. Ces trois voies d’action convergent vers la pompe à protons qui permet à la cellule pariétale de produire des ions H+.
Sur le plan pharmacologique, il n’est pas possible d’agir sur la gastrine (dont l’excès de sécrétion est à l’origine du syndrome de Zollinger-Ellison). Le recours à un anti-H2 (la ranitidine en l’occurrence) permet de réduire d’environ 60 % l’activité de la pompe à protons. Enfin, l’inhibition de l’acétylcholine par l’atropine, traitement auparavant utilisé, entraîne une réduction de 20 % de cette activité. Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont donc très efficaces pour diminuer l’acidité gastrique.
La place des IPP chez le nourrisson
Les IPP n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) avant l’âge d’un an, ce qui met un frein à leur utilisation, même s’il est habituel en pédiatrie de faire appel à des molécules hors AMM.
Leurs indications reconnues sont l’ulcère et l’œsophagite peptique prouvée.
Mais toute la question est celle de leur utilisation dans un cadre empirique. Chez l’enfant âgé de plus de 4 ou 5 ans, capable de décrire les symptômes qu’il ressent, les IPP peuvent être utilisés comme chez l’adulte en cas de pyrosis. Chez l’enfant plus jeune, les recommandations européennes ne préconisent leur prescription qu’en cas d’œsophagite démontrée, donc après une endoscopie.
Toutefois, dans ses recommandations publiées début 2015, le groupe NICE (1) indique qu’un essai par un traitement empirique par IPP peut être envisagé chez un nourrisson ayant, en plus de régurgitations extériorisées, un des trois critères suivants :
– cris, troubles du comportement ;
– croissance inadéquate ;
– difficultés d’alimentation.
Pourtant, dans une étude en double aveugle lansoprazole versus placebo menée chez 162 nourrissons présentant des symptômes attribués à un reflux gastro-œsophagien (2), l’IPP n’était pas plus efficace que le placebo sur chacun des critères étudiés pris en par un. En outre, dans la moitié des cas, le placebo était aussi efficace que l’IPP selon l’avis des parents et du médecin. Enfin, le traitement par IPP s’accompagnait d’effets secondaires dans 14 % des cas, notamment à type de troubles du comportement, d’irritabilité – ce qui est, bien sûr, paradoxal – et de céphalées. Les pneumonies étaient six fois plus fréquentes et l’incidence des gastro-entérites était doublée. Il est également établi que, après blocage de la sécrétion gastrique au niveau des cellules pariétales, il y a un phénomène de recrutement cellulaire à l’arrêt du traitement qui conduit à un rebond de sécrétion acide.
Bien peser le pour et le contre
Toutes ces données soulignent l’importance de bien peser le pour et le contre lorsqu’un traitement empirique est envisagé. S’il peut être licite chez un enfant qui régurgite et qui ne mange pas bien, pleure et dont la courbe de poids est imparfaite, le traitement empirique doit toujours être arrêté progressivement – une semaine à demi-dose – pour éviter le phénomène de rebond. Et il ne doit pas être poursuivi plus de huit jours en l’absence d’amélioration.
Dans les autres situations, un traitement empirique ne peut être envisagé qu’au cas par cas, en sachant que les troubles « digestifs » mal caractérisés doivent être traités en premier lieu par des manœuvres hygiéno-diététiques dans un cadre de guidance parentale.
Drs Marc Bellaïche* et Isabelle Hoppenot
* Hôpital Robert-Debré, Paris
Références
(1) NICE guidelines, janvier 2015. Gastro-oesophageal reflux disease in children and young people : diagnosis and management. http://www.nice.org.uk/guidance/NG1/chapter/1-recommendations
(2) Orenstein SR et al. Multicenter, double-blind, randomized, placebo-controlled trial assessing the efficacy and safety of proton pump inhibitor lansoprazole in infants with symptoms of gastroesophageal reflux disease. J Pediatr 2009 ; 154 : 514-20.e4.
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