La peau est la première interface moléculaire de l’organisme et elle se trouve au contact de milliers de molécules. Deux grands types d’allergènes peuvent être distingués : les protéines à caractère réactif et les haptènes, qui peuvent se fixer sur des protéines épidermiques ou de la muqueuse respiratoire. Les haptènes sont des molécules de faible poids moléculaire dont la réactivité chimique leur permet de se fixer sur les macromolécules biologiques pour former des liaisons plus ou moins fortes, pouvant aller jusqu’à une liaison covalente irréversible, qui sera prise en charge par le système immunitaire. « La formation de liaisons covalentes stables peut être à l’origine de réactions de type toxique, mutagène ou allergique si la cible est l’épiderme ou l’épithélium bronchique », explique le Pr Jean-Pierre Lepoittevin. Quant aux prohaptènes, ce sont des molécules ne possédant pas de réactivité chimique intrinsèque, mais qui deviennent réactives suite à une activation par le métabolisme cutané, par le biais de systèmes enzymatiques ou du stress oxydant. Les corticostéroïdes sont des prohaptènes ; ils sont dénués de réactivité chimique intrinsèque mais oxydés par l’alcool-déshydrogénase. Enfin les préhaptènes, également dénués de réactivité intrinsèque, sont activés par contact avec l’environnement, en particulier l’oxygène. C’est ce qui se produit avec les terpènes, dont les produits d’oxydation sont responsables de la sensibilisation. « Ceci a des conséquences en termes de démarche diagnostique, puisque dans ce dernier exemple, le patch-test avec le terpène pur est négatif alors que le patch-test avec le terpène oxydé est positif », précise le Pr Lepoittevin.
En pratique, l’asthme est plutôt dû à des pollens, qui sont des macromolécules, tandis que les dermatoses sont souvent la conséquence d’un contact avec un haptène. Un même végétal peut toutefois posséder différents types d’allergènes. « Le bois exotique contient des dérivés quinoniques. Il est responsable d’eczéma aigu aéroporté, d’érythème polymorphe, d’urticaire et aussi d’asthme », rapporte le Dr Martine Avenel-Audran. Le latex naturel, qui comprend treize allergènes, peut entraîner une urticaire de contact immédiate, un eczéma retardé, un asthme, une rhinite, voire un choc allergique.
Dans les arbres d’autres allergènes sont susceptibles d’être présents, tels que des parasites, comme les chenilles processionnaires. Ces dernières, de plus en plus présentes dans nos régions suite au réchauffement climatique, donnent des lésions urticariennes, mais parfois aussi un asthme par le biais de leurs poils aéroportés.
Asthme professionnel : les molécules à surveiller.
Dans le cadre professionnel, certaines substances peuvent entraîner un eczéma de contact et un asthme. Les données épidémiologiques estiment à 15 % les asthmes de l’adulte attribuables à l’environnement professionnel et à 10 % la part des dermatoses liées au travail. La question des allergènes de contact professionnels inducteurs d’asthme est importante en termes de prise en charge et de conséquences sur l’emploi. La première étape de la démarche diagnostique vise à éliminer les facteurs irritatifs, qui favorisent bien souvent le mécanisme allergique. En se basant sur les données des procédures de déclaration de maladies professionnelles, sur les enquêtes épidémiologiques et sur les grandes classes de produits chimiques dans les professions à risque, il est possible de mieux cerner les professions (hors agricoles) exposées à des molécules à potentiel allergisant élevé au niveau cutané et respiratoire.
Trois grandes situations peuvent être distinguées. En premier lieu celles où les salariés utilisent ou sont exposés à des allergènes cutanés et respiratoires : latex, aldéhydes, persulfates alcalins, matières plastiques telles que les isocyanates et les résines époxy, enzymes, poussières de bois, parfums. Ensuite celles où les salariés sont exposés à des allergènes à fort potentiel respiratoire : farines et céréales ou à des allergènes à fort potentiel dermatologique : huiles et additifs, conservateurs (dont les fameux parabens), détergents et additifs, sels de métaux, médicaments.
Au total, si, en termes de fréquence, le secteur de la boulangerie est le plus exposé sur le plan respiratoire et celui du bâtiment sur le plan cutané, les professions les plus à risque sont celles de la coiffure, du nettoyage et du milieu de soins.
La prévention est essentielle et passe par la rédaction de protocoles précis, adaptés à chaque patient. Des mesures collectives sont également mises en œuvre. C’est par exemple le cas dans la boulangerie, avec des pétrins équipés d’un couvercle protecteur ou dans la coiffure, avec le recours à des produits de décoloration disponibles en pâtes, moins volatiles que les poudres.
Session « Substances responsables d’eczéma de contact et d’asthme ». Avec les Prs et Drs Jean-Pierre Lepoittevin, Strasbourg, Martine Avenel-Audran, Angers et Paul Frimat, Lille.
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