Très rapidement après le début de l’épidémie, les équipes prenant en charge les patients ayant une forme sévère de Covid-19 ont été interpellées par les échecs des mesures de ventilation habituellement utilisées dans les syndromes de détresse respiratoire aiguë (SDRA).
Plusieurs publications ont alors souligné la fréquence élevée d’événements thrombo-emboliques veineux, touchant les gros et les petits vaisseaux au niveau pulmonaire (mais aussi dans différents autres organes), pouvant être favorisés par une atteinte vasculaire spécifique liée au Covid-19. « La survenue d’embolies pulmonaires (EP) est une complication que l’on peut observer chez les patients en réanimation, mais leur incidence au cours de l’infection Covid-19 est nettement plus élevée que dans les SDRA d’autres causes, en particulier d’origine grippale », indique le Dr Nicolas Gendron, très impliqué dans ce nouveau domaine de recherche avec l’équipe du Pr David Smadja à l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP).
Une série de cas lilloise publiée au printemps dernier avait rapporté un taux d’EP de 20,6 % dans une cohorte de 107 patients admis en soins intensifs pour une pneumonie liée au SARS-CoV-2, comparativement à 6,1 % chez les sujets admis dans ce service au cours de la même période en 2019 et à 7,5 % chez ceux atteints de grippe au cours de l’année 2019.
Lésions endothéliales et inflammation
Une analyse rétrospective de tous les patients hospitalisés au cours de la première vague à l’HEGP et à l’hôpital Saint-Joseph à Paris a retrouvé une prévalence globale de l’EP de 5,6 %, atteignant 20 % si l’on prend en compte les données des angioscanners. Des résultats confirmés par d’autres études, qui montrent que dans la moitié des cas, la thrombose veineuse pulmonaire était présente à l’admission.
« La cascade d’événements n’est pas encore aujourd’hui complètement élucidée, mais le Covid-19, dans ses formes sévères, serait avant tout une pathologie vasculaire acquise », poursuit le Dr Gendron. Comme cela a été montré par différents travaux, le virus pénètre dans les cellules endothéliales via les récepteurs ACE2. Ces cellules jouent à l’état basal un rôle antithrombotique, mais, lorsqu’elles sont agressées, elles s’activent et deviennent à l’inverse prothrombotiques via la libération de différents facteurs, tels que le facteur de Willebrand. Plusieurs publications ont mis en évidence le lien entre les taux de marqueurs endothéliaux, comme l’angiopoïétine 2 ou le facteur de Willebrand, et la sévérité de la maladie. Ce phénomène serait exacerbé par l’inflammation secondaire à la réponse immunitaire.
Anticoagulation préventive
« De façon importante, la majorité des patients avec une EP n’ont pas les facteurs de risque classiques de thrombose veineuse tels qu’un cancer, un antécédent de maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV), une thrombophilie génétique… L’infection par le SARS-CoV-2 apparaît à elle seule comme un facteur de risque de thrombose veineuse », souligne le Dr Gendron.
Les données sont encore aujourd’hui insuffisantes pour définir précisément les sujets à risque de thrombose veineuse, mais plusieurs paramètres se montrent particulièrement pertinents : taux de marqueurs endothéliaux circulants, taux de D-dimères à l’admission, taux de troponine couplé à l’échographie cardiaque qui témoignerait des conséquences cardiaques en aval des microthromboses.
Les patients hospitalisés pour une forme sévère de Covid-19 reçoivent des anticoagulants de façon préventive, et bien sûr curative en cas d’EP confirmée. Mais la question d’une anticoagulation préventive peut se poser pour certaines personnes suivies en ambulatoire, en particulier celles ayant une mobilité fortement réduite. Il serait intéressant de pouvoir là aussi disposer de paramètres permettant d’identifier les sujets les plus à risque. Quelle place pourrait avoir dans ce contexte le dosage du facteur de Willebrand, qui contrairement à celui des marqueurs endothéliaux circulants, est facilement accessible dans les laboratoires de ville ?
Outre l’introduction des anticoagulants, l’aspirine pourrait, dans une moindre mesure, avoir aussi un intérêt, comme le suggère une étude récente soulignant un effet bénéfique de la prise d’aspirine dans les 48 heures avant l’hospitalisation, se traduisant par moins d’admissions en réanimation, d’intubations et de décès. L’essai Recovery va tester cette hypothèse sur quelque 4 000 patients.
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