Le diagnostic d’infection à mycobactérie non tuberculeuse (dites atypique) ne peut reposer sur un simple prélèvement positif. « La présence d’une mycobactérie n’est pas synonyme d’infection. Nous recevons tous quotidiennement un aérosol de mycobactéries, ne serait-ce qu’en prenant notre douche. Et, parmi celles qui peuvent être identifiées, certaines sont très rarement responsables d’infections, comme M. gordonæ », explique la Pr Claire Andrejak (CHU Amiens), coordinatrice du Groupe de recherche et enseignement en pneumo-infectiologie (Grepi), en insistant : « C’est d’autant plus important de ne pas se tromper que porter ce diagnostic peut déboucher sur un traitement lourd et long. »
Il faut au moins deux prélèvements positifs, et espacés, à la même mycobactérie, pour que le hasard ne puisse pas être en cause. Il faut aussi que le patient ait des symptômes (fièvre, toux, crachats, etc.) – n’entrent donc pas en jeu les prélèvements demandés à titre systématique, lors d’une fibroscopie bronchique par exemple, qui reviendraient positifs. Ceux-ci n’étant pas spécifiques, il faut aussi mettre en évidence des lésions radiologiques compatibles avec l’infection. Enfin, un autre diagnostic pouvant expliquer les symptômes cliniques et radiologiques du patient doit être exclu. « Typiquement, une grosse lésion radiologique et des prélèvements à mycobactéries positifs n’excluent pas un cancer bronchique, qui est plus fréquent », souligne la Pr Andrejak.
Une autre cause doit toujours être recherchée avant de conclure
Le terrain du patient entre aussi en compte : a-t-il une pathologie respiratoire sous-jacente, telle une BPCO, une dilatation des bronches, une mucoviscidose ? Ou présente-t-il une forte immunodépression ? Reçoit-il une biothérapie, type anti-TNF ? « Si rien de tout cela n’est retrouvé, mais qu’il y a bien des critères en faveur d’une infection à mycobactérie, il est important d’aller plus loin dans les explorations, car ce type d’infection ne se produit pas chez une personne immunocompétente, ayant un poumon sain », rappelle la Pr Andrejak.
Évaluer les chances de succès
Une fois posé, le diagnostic n’est cependant pas synonyme de traitement : non seulement le facteur de risque – la pathologie respiratoire sous-jacente par exemple – restera présent mais l’exposition sera inéluctable ; l’antibiothérapie ne peut donc garantir à 100 % une guérison. « Il est possible et même souhaitable de débuter par de la kinésithérapie de drainage (même lorsque les patients ne sont pas encombrés), a fortiori chez ceux porteurs de dilatation des bronches, car ils ont de gros risques de se réinfecter. Cela peut suffire à les améliorer sur le plan symptomatique », indique la Pr Andrejak.
Si la décision de traiter doit être mûrement réfléchie, c’est parce que le traitement est lourd : trois antibiotiques différents – avec chacun des effets secondaires potentiels – pendant au moins 12 mois après négativation des prélèvements. « Quand la décision est prise, il faut donc être certain que le patient ira jusqu’à bout, ce qui est plus probable lorsqu’il s’agit d’une décision partagée avec le patient, souligne la Pr Andrejak. Il faut qu’il soit suffisamment symptomatique pour en espérer un bénéfice et qu’il adhère au traitement. »
L’antibiogramme n’est pas systématique, car il n’y a pas forcément de corrélation entre ce qui est trouvé in vitro et in vivo. Pour Mycobacterium avium complex (MAC), la plus fréquente, on recherchera une résistance aux macrolides et aux aminosides ; pour M. kansasii, à la rifampicine. Les résistances des mycobactéries s’acquièrent surtout si le patient a déjà pris ces traitements antérieurement : « un patient qui n’aurait jamais pris de macrolides de sa vie ne peut pas avoir de souche MAC résistante aux macrolides », insiste la Pr Andrejak.
La mycobactérie la plus complexe à traiter est M. abscessus, pour laquelle un antibiogramme complet, avec entre autres une recherche de résistance inductible aux macrolides (non conditionnée par un traitement antérieur), doit être réalisé. Sous traitement, il faut réaliser des prélèvements de contrôle pour décider de sa durée, celui-ci devant être prolongé 12 mois après le premier prélèvement négatif.
Les patients non traités par antibiothérapie doivent bénéficier d’une réévaluation systématique à trois mois (sur le plan clinique) et à six mois (sur le plan radiologique).
Prévention systématique
Tous les patients doivent recevoir des conseils pour limiter les risques de (ré)infection : pas de thalassothérapie, de bain bouillonnant ou de hammam et, à la maison, éviter de se placer sous le pommeau de douche au moment du premier gros jet d’eau, car c’est celui qui est le plus concentré en mycobactéries.
La douche est le lieu d’exposition le plus fréquent. Javelliser le pommeau est inutile, mais on peut conseiller de le passer au lave-vaisselle à 70 °C, de même qu’augmenter, pour ceux qui ont accès au réglage, la température du chauffe-eau autour de 70 °C.
L’état nutritionnel doit être systématiquement vérifié : « Il est effectivement impossible de se débarrasser d’une mycobactérie chez un patient dénutri », insiste la pneumologue. Pour les patients dénutris, immunodéprimés, etc., des réunions de consultation pluridisciplinaires (RCP) locales existent (à Bordeaux, Nantes, Strasbourg, etc.), avec des RCP nationales pour les cas les plus complexes : « Celle du Grepi s’intéresse davantage à la clinique et celle du centre national de référence coordonnée à Paris est plus centrée sur le choix de l’antibiotique », indique la Pr Andrejak.
Entretien avec la Pr Claire Andrejak (CHU Amiens)
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