Prise en charge des embolies pulmonaires

Une évolution vers l’ambulatoire

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Publié le 26/01/2017
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Crédit photo : PHANIE

Avec 40 0000 cas par an, l’hospitalisation de la très grande majorité des patients pour une durée moyenne de 10 jours, l’embolie pulmonaire (EP) a un impact médico-économique important. À l’heure où l’ambulatoire se développe dans de nombreux domaines, pourrait-on envisager une évolution des modalités de sa prise en charge. Oui, si l’on se fie à l’expérience de pays comme le Canada ou les Pays-Bas, « où un patient sur deux n’est pas hospitalisé, sans que cela ne soit préjudiciable en termes de sécurité », indique le Pr Olivier Sanchez (hôpital européen Georges Pompidou, Paris).

Pour sélectionner les patients à faible risque, les praticiens peuvent s’appuyer sur deux scores. Le premier, le PESI (Pulmonary Embolism Severity Index) et sa version simplifiée le sPESI, se fonde sur des paramètres cliniques. Si le score est faible, ou nul pour sa version simplifiée, le risque de décès à 30 jours est estimé à 1 %. Sa pertinence a été confirmée par une étude randomisée qui a montré qu’une prise en charge en ambulatoire fondée sur le recours à ce score était au moins aussi efficace et sûr qu’une prise en charge hospitalière. Cette étude a toutefois été critiquée, car sur les patients éligibles, seuls 20 % avaient pu être inclus, soulignant les limites de l’utilisation d’un tel score en pratique quotidienne. Le second, HESTIA, mis au point par une équipe hollandaise, est une check-list de critères d’hospitalisation plutôt qu’un véritable score. Il comprend 11 paramètres, et la positivité d’un seul d’entre eux fait indiquer l’hospitalisation. Lorsqu’il est utilisé en pratique, un sujet sur deux peut être suivi en ambulatoire, avec un risque de récidive, d’hémorragie ou de décès à 3 mois, de 2 %, selon une étude. Le fait de rajouter le dosage du BNP à cette check-list, stratégie évaluée dans un essai, n’améliore pas l’évaluation du pronostic.

« Nous disposons donc de deux outils pour identifier les patients susceptibles d’être pris en charge en ambulatoire, souligne le Pr Sanchez. PESI et sa version simplifiée qui est un score pronostique et HESTIA qui évalue la lourdeur des soins nécessaires. Le PESI sélectionne les patients à bon pronostic, mais pour repérer ceux éligibles à l’ambulatoire, HESTIA, basé sur des critères très pragmatiques nous parait plus pertinent ».

Afin de déterminer l’outil permettant de traiter le plus grand nombre de patients en ambulatoire sans compromettre la sécurité, une étude prospective multicentrique européenne, HOME PE, a débuté et inclus des patients avec une EP qui sont randomisés pour utiliser le score sPESI ou les critères HESTIA. Le lieu de prise en charge (domicile ou hospitalisation) est décidé en fonction du résultat obtenu au score. « Une telle approche n’est envisageable que s’il y a un parcours de soins organisé à la sortie des urgences, avec une consultation rapprochée dans un centre référent en thrombose dans les 72 heures », souligne le Pr Olivier Sanchez. Cette consultation doit permettre de confirmer le diagnostic, d’appréhender le bilan étiologique, d’évaluer la tolérance et la compliance au traitement et d’envisager une éducation thérapeutique. Le patient doit ensuite être revu à J14 et J30 dans ce même centre, en coordination avec le médecin traitant. « Grâce à ce protocole, nous pensons qu’il pourrait être possible de traiter en ambulatoire au moins de 30 à 40 % des patients », conclut le Pr Sanchez.

D’après un entretien avec le Pr Olivier Sanchez, université Paris Descartes, service de pneumologie et soins intensifs, hôpital européen Georges-Pompidou, APHP, INSERM UMRS 1140, Paris

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9550