Trouble dysphorique prémenstruel

Reconnu depuis 1987 mais encore méconnu

Publié le 05/03/2015
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Crédit photo : PHANIE

Il faut purger les humeurs… conseillait Hippocrate, aux femmes souffrant de syndrome prémenstruel. Si ce terme n’était pas encore usité, il était néanmoins reconnu et observé. Un peu plus tard, Trotula de Salerne, femme médecin reconnue du XIe siècle, se faisait l’observatrice de cet état cyclique mêlant humeur irritable et manifestations somatiques, affectant les femmes en âge de procréer.

Parler de syndrome prémenstruel (PMS) aujourd’hui n’a donc rien de révolutionnaire. Plutôt fréquent en population générale - 20 à 80 % des femmes seraient concernées – il est considéré comme une expression de la normalité. En revanche, l’affection cousine dénommée « trouble dysphorique prémenstruel » (PMDD pour Premenstrual Dysphoric Disorder) figure bel et bien au sein du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5).

Une affection génétique

Forme prolongée et handicapante du PMS, le PMDD toucherait environ 3 à 5 % des femmes. Pour le psychiatre David Gourion, la reconnaissance de ce trouble a un intérêt : celui de reconnaître la souffrance des femmes qui en sont victimes. « Il peut exister des formes très invalidantes », précise-t-il. Dont certaines peuvent occasionner un réel handicap socio-professionnel, entre autres induit par les absentéismes et autres conflits de couple. Ce dernier point s’intègre d’ailleurs à la définition du DSM-5, sans quoi le diagnostic ne peut être fait. Autre critère : la cyclicité et l’atypicité des symptômes dépressifs, dont l’humeur irritable, le comportement agressif et les symptômes somatiques constituent le trio symptomatique. Les études scientifiques relatent une forte composante génétique de cette affection. « On retrouve 70 % d’héritabilité entre jumelles », rapporte le Dr Gourion. Quant à la physiopathologie, elle trouve son explication à la croisée des systèmes hormonaux et neurobiologiques. Explication qui se trouve confirmée par l’efficacité des traitements hormonaux (association oestroprogestative) et des antidépresseurs sérotoninergiques.

Une pathologie peu considérée

La littérature scientifique reste cependant pauvre sur le sujet. Outre les thérapies cognitives et comportementales, dont les bénéfices sont en cours d’exploration, les thérapeutiques préventives n’ont pas été étudiées. Et pour cause, l’explication du PMDD reste trouble. Si la composante génétique a été confirmée, l’influence environnementale (perturbateurs endocriniens, pression sociale, etc.) demeure indéterminée. Pour le Dr David Gourion, la reconnaissance de ce trouble constitue une avancée à la fois thérapeutique et sociétale. « À l’époque, on apparentait ces manifestations à de l’hystérie », rappelle-t-il. Reconnu dans les manuels depuis 1987, le PMDD reste cependant méconnu. Ce que déplore le psychiatre : « il est banalisé par la plupart des professionnels ». Banalisation qu’il met sur le compte d’une « difficulté à différencier le syndrome prémenstruel du trouble dysphorique prémenstruel ». Un amalgame potentiellement corrigé par l’analyse systématique de « l’impact fonctionnel » du trouble de l’humeur, principal élément diagnostique discriminant de cette pathologie. Mais attention à ne pas confondre le PMDD avec le trouble bipolaire… dont la physiopathologie – et donc le traitement – diffère sensiblement.

Dr A. P.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9392