Mais alors, cette libération des femmes, elle se traduit comment ? « Paraît-il, par une égalité femmes-hommes, répond la Dr Marie Chevret (Lyon). Certes, cette égalité peut paraître acquise dans la vie de tous les jours… tant qu'on n’est pas en couple et qu'on n’a pas d'enfants. Quant à l'égalité dans la sexualité, elle existe sur le papier et probablement pour de nombreux individus. Il n'empêche que les femmes qui consultent un sexologue souffrent de leur sexualité ». De quoi se plaignent-elles ? Globalement, des récriminations de leur partenaire masculin, qui leur reprochent de ne pas montrer leur désir au bon moment, pour ne pas se sentir dévirilisés.
Une des difficultés sexuelles des femmes est que les hommes ont besoin du plaisir de leur compagne – ou du moins des marques de plaisir. « Dans le discours actuel, ces marques de plaisir sont le témoin de leur puissance, note la Dr Chevret. Si la femme n'est pas coincée, elle doit jouir avec un vrai orgasme et elle doit prendre l'homme tel qu'il est, avec ses bourrelets, sa calvitie ou son corps de rêve ». Le tout avec, du côté femme, un corps mince, une chevelure sexy, une allure jeune et déliée… Les femmes ont peur de ne pas être à la hauteur. Alors elles viennent consulter, seules, pour ne pas perdre leur compagnon, pour être « orgasmiquement normales ».
La liberté, c'est compliqué dans la vie et très compliqué au lit
Les femmes ont acquis le droit à la contraception, à l'avortement, elles sont libres dans leur sexualité, pensent certains. Certes, mais toutes ces évolutions concernent des modifications du corps des femmes, pour le bien-être du couple. « Puis, raconte avec humour la Dr Chevret, apparue la pilule bleue ! On a parlé de véritable révolution. La sexualité était médicalisée ! Les femmes, elles, avalaient des pilules depuis plusieurs dizaines d'années : n'ont-elles pas contribué à cette médicalisation ? ».
On est en droit de se poser la question de savoir si la libération sexuelle ne s'est pas retournée contre les femmes. On se révolte contre les publicités machistes et les violences faites aux femmes dans l'espace public, mais qu'advient-il du respect des femmes dans la sphère privée ? L'intimité est-elle dénuée de violence, du moins psychologique, sexuelle ? Quelle est la liberté des jeunes filles, alors que le modèle dominant est pornographique ? La consommation pornographique est massive chez les hommes. Chez les femmes, il s'agit généralement de consommation en couple. Dans ce cadre, « comment la demande sexuelle du partenaire va-t-elle être vécue par ces jeunes femmes, qui ont un travail rémunéré, plus toujours un autre, non rémunéré, à la maison ? Comme un travail de plus ; et non rémunéré, cela va de soi », souligne la Dr Chevret.
Lutter contre l’industrie de la performance
Comment aider ces femmes en difficulté ? « Il faut rendre hommage à Rosemary Basson, qui a apporté aux femmes sexologues – et aux femmes en général – un fier service avec son modèle de désir, non plus spontané comme au début d'une relation, mais prenant sa source dans l'intimité, grâce à la connaissance, par le partenaire, du mode d'excitation de la femme, excitation qui permet de rejoindre le désir, explique la Dr Chevret. Ne soyons pas, nous sexologues, des normalisateurs sexuels, mais essayons d'apprendre aux femmes à penser à elles plutôt que de penser à l'autre. De nombreuses techniques existent. C'est la meilleure lutte contre le perfectionnisme ».
D'après la communication de la Dr Marie Chevret-Masson, psychiatre, sexologue, responsable du DIU de sexologie, Lyon
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