La collaboration internationale JAK-POT a permis d’apporter des données issues de 13 registres internationaux (Europe et Québec) afin d’évaluer le risque de cancer chez des sujets atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR), traités par JAKi versus biomédicaments (anti-TNF ou autres biothérapies) (1).
JAKi et cancers, des données plutôt rassurantes
L’analyse s’est faite de l’initiation du traitement jusqu’à cinq ans après l’arrêt, ou jusqu’au début d’un nouveau traitement, jusqu’au décès ou jusqu’à la perte de suivi le cas échéant. Sur les 53 169 initiations de traitement chez 33 127 patients, 219 cancers cutanés non mélanocytaires et 638 autres cancers ont été rapportés. L’incidence brute des cancers à l’exclusion des cancers cutanés était plus faible pour les anti-TNF (2,2/1 000 patients-années PR) que pour les JAKi (2,9/1 000 patients-années PR) et les autres biothérapies (3,1/1 000). Cependant, une analyse statistique plus approfondie n'a révélé aucune différence significative dans l'incidence de ces deux types de cancer entre JAKi et anti-TNF, ni entre JAKi et autres biologiques. La population dite à haut risque (patients âgés de 50 ans et plus ayant au moins un facteur de risque cardiovasculaire) représentait environ 39,4 % des séquences thérapeutiques. Dans ce sous-groupe, le risque de cancer était plus élevé : 3,2 ; 4,2 et 4,1 pour 1 000 patients-années respectivement pour les anti-TNF, les JAKi et les autres biothérapies. Cependant, comme pour la population générale, il n’y avait pas de différence significative dans l’incidence des cancers entre les JAKi et les autres médicaments. D’autres analyses sont prévues, notamment l’inclusion de registres supplémentaires afin d’améliorer la puissance statistique et l’évaluation de l’incidence sur différentes périodes d’exposition.
Vers un suivi dermatologique régulier ?
Une étude de cohorte suédoise (registre SRQ) a évalué plus spécifiquement le risque de cancer cutané global et par sous-type chez les patients atteints de PR ayant commencé un traitement par anti-TNF, par une autre biothérapie (abatacept, anti-IL6 R, anti-CD20) ou par un JAKi entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2021 (2). Les données étaient croisées avec le registre national des cancers. Elle a également évalué le risque de second cancer cutané chez les patients ayant des antécédents de cancer cutané et débutant une thérapie ciblée.
Au total, 21 121 patients atteints de PR ont été identifiés : 2 300 avec initiation d’un JAKi, 6 316 avec initiations d’un biomédicament non anti-TNF et 12 502 avec un anti-TNF. La durée médiane de traitement sous JAKi était de 2,5 ans (1,2-3,5), 5,1 ans pour les biothérapies non anti-TNF (2,8-7,3) et 4,7 pour les anti-TNF (2,5-7,2). 94 cancers cutanés ont été identifiés sous JAKi, 407 sous biologiques non anti-TNF et 628 sous anti-TNF.
Comparé à un traitement par anti-TNF, un surrisque significatif de cancer cutané a été observé sous JAKi avec un HR de 1,72 (IC 95 % : 1,02–2,87) et de 0,81 (IC 95 % : 0,60-1,07) pour les biothérapies non anti-TNF. Ce surrisque concernait principalement les carcinomes basocellulaires. Chez les patients ayant des antécédents de cancer cutané, le risque de récidive est également plus élevé sous JAKi avec un HR de 2,76 (1,02-7,44) versus anti-TNF et un HR de 1,54 (0,79-3,02) sous un traitement biologique non anti-TNF.
Ainsi, par rapport aux anti-TNF, les JAKi sont associés à un risque presque doublé de survenue de cancer cutané chez les patients PR et le risque de récidive apparaît également deux à trois fois plus élevé.
Pour les auteurs, les résultats justifient la mise en place d’un suivi dermatologique régulier chez les patients sous JAKi.
Des effets cardiovasculaires contrebalancés par les analogues du GLP-1
Enfin, concernant le risque cardiovasculaire (CV) inhérent aux JAKi, une analyse de cohorte rétrospective a été réalisée à l’aide de la plateforme TriNetX afin de comparer les accidents cardiovasculaires observés chez les patients atteints de PR traités par inhibiteurs de JAK, avec et sans analogues du GLP-1 (3). Après appariement par score de propension, chaque cohorte comprenait 2 449 patients suivis pendant cinq ans.Pour les syndromes coronariens aigus, les patients du groupe analogues du GLP-1 présentaient un risque significativement plus faible (RR = 0,645). Il en est de même pour l’ensemble des évènements cardiovasculaires artériels (RR = 0,673). Concernant les thromboses veineuses profondes, le risque est également significativement réduit(RR = 0,69). Bien que le groupe analogues du GLP-1 ait montré une tendance à la baisse du risque d’AVC et d’accidents thrombotiques artériels périphériques, la différence n’était pas significative.
Ces données confortent l’intérêt potentiel des aGLP-1 pour réduire certains risques cardio-vasculaires chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et traités par JAKi. Cependant, tous les effets n’étaient pas significatifs et des études complémentaires sont nécessaires pour valider ces résultats.
(1) Aymon R et al. OP0232
(2) Huss V et al. OP 0067
(3) Beltagy A. OP 0069
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