La prévalence du tabagisme est très élevée dans les pathologies psychotiques et notamment dans la schizophrénie : 45 à 88 % des patients fument, avec des niveaux de consommation souvent très élevés.
D’après les études, le tabagisme entraîne un début plus précoce de la schizophrénie et une surmortalité chez ces patients (risque suicidaire plus élevé). Les patients schizophrènes auraient également une dépendance nicotinique multipliée par deux, cette dépendance étant associée à une augmentation du risque d’apparition de troubles anxieux (OR = 1,13) (Airagnes G et al, 2024 ).
Des freins à l’arrêt parfois injustifiés
Or « on constate qu’il existe des barrières dans l’esprit des psychiatres quant à la promotion du sevrage tabagique », regrette le Dr Philippe Arvers (Varces-Allières-et-Risset). Le sevrage tabagique est ainsi moins souvent proposé dans les services de psychiatrie. » En miroir, « il est aussi moins souvent demandé par les patients, pour diverses raisons : plaisir et stimulation psychomotrice induite par l’acte de fumer, facilitation des relations sociales, réponse à l’ennui… » Il existe par ailleurs une faible confiance des équipes de soins et du patient dans ses capacités à arrêter de fumer. Et au final, on observe un faible taux de prescription de traitements de sevrage tabagique, principalement dû à une inquiétude sur la déstabilisation de l’état psychique (Kleiman RA et al, 2024).
Pourtant, l’impact du sevrage est bénéfique pour la santé mentale. En effet, l’arrêt du tabac s’accompagne d’une diminution des scores d’anxiété (- 0,4) et de dépression (- 0,47) (Wu AD et al, 2023) ainsi que d’une diminution des risques de suicide. Mais le craving est souvent plus marqué en cas de troubles psychiatriques et constitue un risque majeur de reprise du tabac après sevrage. L’existence d’une pathologie psychiatrique est généralement associée à un sevrage tabagique de courte durée (< 8 semaines) (Johnson A et al, 2020).
Les thérapies comportementales et cognitives permettent une meilleure gestion des situations à risque de rechute et doivent être associées aux substituts nicotiniques et au bupropion. Les substituts nicotiniques (patchs + formes orales) doivent être prescrits en quantité suffisante (les surdosages sont très rares) et suffisamment longtemps (1 an). Les cigarettes électroniques sont souvent utilisées par les patients fumeurs souffrant de pathologies mentales, en particulier de schizophrénie, et sont associées, selon certaines études, à des taux de réussite plus élevés.
Un impact sur le traitement
Par ailleurs, le tabagisme nécessite des adaptations posologiques des traitements médicamenteux (antipsychotiques et antidépresseurs tricycliques).
« Les hydrocarbures aromatiques polycycliques issus de la combustion du tabac exercent une action inductrice enzymatique sur les cytochromes hépatiques (P450, CYP1A2) accélérant le métabolisme des antipsychotiques, explique le Dr Philippe Arvers. Le tabagisme entraîne ainsi des changements dans les paramètres pharmacocinétiques de plusieurs antipsychotiques, en augmentant la vitesse à laquelle ils sont métabolisés. » Les neuroleptiques olanzapine ou clozapine sont, par exemple, plus fortement dégradés chez les fumeurs, avec des concentrations sériques pouvant diminuer jusqu’à 40 % par rapport aux non-fumeurs (Bonnet N et al, 2020). « D’où la nécessité d’augmenter les posologies des antipsychotiques et, par là, les risques d’effets indésirables, en particulier les dyskinésies tardives. » A contrario, au moment du sevrage, le traitement doit parfois être révisé à la baisse.
« En conclusion, il ne faut pas hésiter à aborder systématiquement la question du tabagisme en consultation ainsi que les co-consommations (alcool, cannabis, CBD) et mettre en place un sevrage en adaptant bien les traitements. »
D’après la communication « Tabac, vape et substituts en psychiatrie : les erreurs à ne pas faire… »
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