Urologie

Incontinence, l’âge et la grossesse n’expliquent pas tout

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Publié le 03/06/2016
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Dans le risque d’incontinence urinaire chez la femme, l’âge, la grossesse, l’obésité sont des facteurs qui comptent. Mais le patrimoine génétique n’est pas en reste et sa part dans le risque global avoisine même 30 à 40 %. Quelques gènes ont été identifiés mais les connaissances restent parcellaires et le dépistage génétique des femmes à risque des femmes à risque n’est pas à l’ordre du jour.
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Crédit photo : JOHN BAVOSI/SPL/PHANIE

Les femmes ne sont pas toutes égales entre elles vis-à-vis du risque d’incontinence urinaire et des facteurs environnementaux interviennent pour plus de la moitié dans ce risque d’incontinence. La grossesse et le traumatisme obstétrical sont des facteurs de risque bien connus, mais il ne faut pas oublier la constipation, la toux chronique, le tabagisme, les facteurs d’hyperpression abdominale avec, entre autres, certains métiers ou activités sportives à risque.

Encourager une réduction pondérale de 5 à 10 %
« L’obésité est aussi très bien corrélée à l’incontinence, notamment celle par urgenturie, souligne le Dr Brigitte Fatton, gynécologue obstétricien, spécialisée en uro-gynécologie au CHU de Nîmes. Une réduction pondérale de 5 à 10 % doit être encouragée chez les femmes en surpoids avec une efficacité démontrée sur le nombre d’épisodes de fuites. Entrent aussi en ligne de compte le vieillissement normal et la carence hormonale. »

À la ménopause, la chute du taux d’estrogènes favorise l’atrophie vaginale et l’altération des tissus notamment ceux impliqués dans les mécanismes de soutien de l’urètre et dans la continence ; la compétence du sphincter urétral est ainsi amoindrie. La ménopause est donc une période critique au cours de laquelle certaines femmes porteuses d’un risque latent mais jusque-là à peu près équilibrées au plan urinaire, vont décompenser.

La génétique du tissu conjonctif, un rôle majeur
À côté de ces facteurs, la génétique a aussi son mot à dire. Plusieurs études épidémiologiques scandinaves sur des cohortes de jumelles ont cherché à quantifier la part de la génétique dans ces pathologies fonctionnelles urinaires. « Toutes convergent vers une prédisposition génétique dans l’incontinence urinaire d’effort estimée entre
30 et 40 % », affirme Brigitte Fatton. Elle compterait pour environ 34 % dans l’incontinence d’effort et pour 37 % dans l’incontinence par urgenturie.

Ces facteurs génétiques en cause se rapportent essentiellement à la qualité du collagène présent dans le tissu conjonctif (peau, tendons, ligaments, parois des organes et des vaisseaux sanguins), mais aussi à celle des cellules myogènes. La diminution des fibres de collagène de type III a été constatée chez les femmes souffrant de prolapsus génital et pourrait expliquer une moindre résistance des tissus aux forces d’hyperpression.

Ce défaut quantitatif ou qualitatif du collagène avait déjà été suggéré par plusieurs travaux conduits chez des femmes atteintes par des syndromes où existent ces anomalies du collagène et qui ont un risque d’incontinence urinaire ou de prolapsus élevé comparé à la population générale.

Dans le syndrome d'Ehlers-Danlos (un ensemble de maladies génétiques caractérisées par une anomalie des tissus de soutien avec une hyperlaxité des articulations et une peau très élastique), une anomalie de la synthèse de collagène a été rapportée, avec des déficits du collagène III ou V. Dans le syndrome de Marfan - maladie systémique du tissu conjonctif - des mutations du gène FBN1 qui code pour la fibrilline-1, une autre protéine essentielle du tissu conjonctif, ont été repérées.

Des femmes génétiquement prédisposées
De même, les femmes ayant une hyperlaxité articulaire sont plus exposées au prolapsus génital, ce qui plaide pour l’implication d’anomalies du tissu conjonctif dans la physiopathologie des troubles de la statique pelvienne. « Ces facteurs génétiques sont désormais connus mais il est encore impossible de désigner précisément les gènes impliqués, prévient la spécialiste. Il serait intéressant de pouvoir dépister les femmes prédisposées génétiquement en vue d’affiner une stratégie de prévention primaire ou secondaire vis-à-vis des facteurs environnementaux ». Peut-on imaginer dans le futur influencer le suivi d’une grossesse, le déroulé d’un accouchement ou les techniques chirurgicales de réparation sur des arguments de dépistage génétique ? Ce ne sont encore que des supputations…

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr