Un médecin n'est pas un taxi. Remplacer le praticien diplômé par une application du type « Uber » serait irréalisable dans le monde de la santé : c'est du moins l'avis éclairé de Laurent Mignon, directeur de l'agence LauMa communication spécialisée dans la santé connectée. « On ne basculera pas vers l’ubérisation car la santé est un secteur spécifique avec des professions très réglementées. On ne peut pas exercer la médecine sans être médecin. En revanche, on pourra exercer la médecine différemment », explique-t-il.
Certaines fonctions spécifiques pourront être automatisées, à court ou moyen terme. « Quand on voit les progrès de la reconnaissance d'image associée aux nouvelles technologies, la place des anapaths sera-t-elle la même qu'aujourd'hui ? C'est une vraie question. Mais la modification des pratiques, ce n'est pas la destruction du métier de médecin », souligne encore Laurent Mignon.
Sans remettre en cause l'expertise médicale, la transformation digitale investit déjà les cabinets, en particulier avec l'apparition de plateformes et sociétés intermédiaires, à visée souvent commerciale. Les praticiens peuvent y trouver des avantages pour gérer leur agenda. En témoigne le succès de « Doctolib », plateforme de rendez-vous en ligne qui compte plus de 6 000 praticiens.
Contournement
Mais de plus en plus, les nouveaux opérateurs digitaux court-circuitent les acteurs traditionnels et le parcours de soins balisé dans le cadre conventionnel. Des plateformes spécialisées dans la délivrance de téléconseils et avis médicaux en ligne comme « deuxièmeavis.fr » ou « mesdocteurs.com » attestent de cette (r)évolution. Ces « conciergeries numériques », ainsi qualifiées par l'Ordre, profitent d'un certain flou réglementaire et proposent des prestations payantes en dehors du parcours de soins.
D'autres offres en ligne ou par téléphone ont fleuri, comme celles relatives aux téléconsultations proposées l'assureur AXA ou la plateforme « MedecinDirect.fr » partenaire de plusieurs complémentaires santé. La montée en charge de telles offres interroge sur la place des assureurs, l'émergence d'un parcours de soins « parallèle » et la rétribution des médecins qui contractent avec ces sociétés intermédiaires.
Notation permanente
Autre avatar de l'ubérisation, l'évaluation subjective omniprésente gagne du terrain dans le secteur de la santé (médecins, établissements). Les patients peuvent désormais noter le service (accompagnement, ponctualité, propreté…) et détailler leur avis sur « quiconnaitunbon.com » ou « hospitalidée ».
Pour la Haute autorité de santé (HAS) ce « modèle TripAdvisor de la santé » n'est pas bâti sur une méthodologie rigoureuse. Pour autant, « même si le ressenti des patients est subjectif, il est incontournable pour améliorer le service rendu d'une équipe », explique le Dr Catherine Grenier, médecin de santé publique, chef du service indicateurs pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à la HAS. Elle reste prudente sur la notation directe du professionnel de santé expliquant que « les gisements d'amélioration ne sont pas au niveau d'une personne donnée mais d'une équipe ».
Verrous et garde-fous
Face au risque d'ubérisation des prestations médicales, les verrous restent solides. L'Ordre a publié hier de nouvelles recommandations (ci-dessous). Il préconise la régulation des offres du secteur marchand dans le respect de principes éthiques. Le CNOM est catégorique, « la médecine ne peut pas être pratiquée comme un commerce et toute forme de publicité directe et indirecte pour un médecin est interdite », ajoute le Dr Jacques Lucas dans son rapport.
Sur le même sujet, la prochaine position de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sera aussi décisive, notamment dans la collecte, le traitement des données personnelles de santé et leur hébergement. Quant aux tarifs, ils seront toujours fixés dans la convention médicale nationale négociée par la CNAM et les syndicats médicaux.
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