L’« affaire Bonnemaison » est selon Jacques Ricot, philosophe spécialisé en éthique médicale*, l’illustration du mauvais usage de la compassion.
Le premier procès aux assises des Pyrénées Atlantiques signe la victoire des bons sentiments. « L’émotion a tout excusé, les réflexes compassionnels l’ont emporté sur l’observation des faits et la raison », résume-t-il.
« On a cru devoir exempter un homme d’une peine de justice car il s’est montré compatissant : c’est vrai que la plupart des familles n’ont pas porté plainte, certaines disent qu’il les a écoutées et libérées. Mais il était en pleine dérive personnelle et professionnelle et n’a pas exercé sa médecine en conformité avec les bonnes pratiques », rappelle Jacques Ricot.
Laisser le jugement en l’état serait un encouragement, pour les médecins, à agir comme bon leur semble, dérive euthanasique ou obstination déraisonnable, « tant qu’ils sont compatissants », explique Jacques Ricot.
Détruire la confiance des malades
La décision d’acquittement, selon Jacques Ricot, risque de détruire la confiance des malades envers les soignants, invités à la transgression, sans qu’elle n’aide Nicolas Bonnemaison à se reconstruire puisque ses erreurs manifestes n’ont pas été reconnues. D’où l’importance de ce procès en appel à Angers, loin d’un contexte local particulièrement prégnant.
Quant aux nombreux soutiens dont est entouré le Dr Bonnemaison, tant des médecins de sa région, que de personnalités politiques comme Bernard Kouchner : « C’est un réflexe corporatiste déplorable. Les spécialistes de la fin de vie sont indignés par cette affaire », commente Jacques Ricot, qui forme des soignants à l’éthique médicale. Et de souligner les contradictions de l’ADMD, qui, militant pour une meilleure prise en compte de la parole des Français, en vient à soutenir un médecin qui a agi en « cavalier seul ».
On meurt mal en France
Le procès Bonnemaison rappelle enfin qu’on meurt mal en France, alors que les moyens de soulager la souffrance existent et que la loi Leonetti devrait permettre de lutter contre l’obstination déraisonnable. Si la future loi Leonetti Claeys n’apaisera pas forcément les débats, et n’évitera ni les dérives individuelles, ni les cas tragiques comme Vincent Lambert, une meilleure formation des soignants est une urgence. « On demande avant tout au médecin qu’il écoute le patient, qu’il soulage sa douleur et qu’il l’accompagne, sans abandon, ni obstination déraisonnable », conclut Jacques Ricot.
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