La crise, ce fut aussi pour les médecins tout un nouvel écosystème. Avec ses contraintes, ses découvertes et ses compensations. Le plus dur pour les praticiens ? Ce furent les pénuries de médicament citées par près d'un sondé sur cinq (18 %) : un ressenti qui évoque sans doute le rationnement de produits essentiels pour la réa, mais aussi peut-être l'indisponibilité de l'hydroxychloroquine, pourtant réclamée par un nombre non négligeable de prescripteurs.
L'incertitude a aussi pesé sur le moral des troupes : 15 % en font leur motif de difficultés numéro un. Et dans le tiercé des désagréments occasionnés par cette épidémie, le sentiment d'inutilité arrive en troisième position (9 %). Ce point – évoqué sans doute par ceux qui n'ont pas pu intervenir pendant cette période — renvoie aux baisses fortes d'activité constatées tant en ville que dans certains services hospitaliers. Suivent ensuite les modifications dans l'exercice, l'anxiété, la solitude des malades en fin de vie, le rythme de travail, la diminution de revenu, l'épuisement, mais aussi chez certains l'agacement provoqué par le non-respect des mesures barrières dans la population.
Où sont les masques ?
Notre enquête a tenté aussi de cerner les défaillances pointées par les blouses blanches. Masques, blouses, lunettes, désinfectants… 35 % relèvent d'abord le manque d'équipements de protection pour travailler. Une confirmation, qui démontre, s'il en était besoin, que la couverture de base n'a pas été au rendez-vous à l'instant où les principaux concernés en auraient eu besoin. Constat de carence aussi au niveau diagnostic : 17 % citent l'absence de tests pour dépister les patients. C'est aussi le soutien moral et institutionnel qui a fait défaut : 9 % ne se sont pas sentis épaulés par leur Cpam ou leur ARS, 9 % aurait souhaité plus de reconnaissance de leur établissement et 9 % disent avoir souffert du manque de coordination entre soignants. Au-delà, ce sont aussi les errements dans les connaissances scientifiques et les réponses thérapeutiques qui sont citées.
Et en même temps, la catastrophe sanitaire aura néanmoins eu des incidences favorables. Trois sources de satisfaction reviennent fréquemment dans les réponses de notre enquête. Et d'abord, le fait que les médecins se soient serré les coudes : 25 % d'entre eux évoquent en premier lieu la confraternité au sein de la profession. Les retours de patients sont aussi une source de motivation fréquemment retrouvée. À peu près un quart des médecins a avant tout apprécié la reconnaissance de son action auprès de ceux qu'ils devaient soigner (23 %) ou le sentiment d'avoir sauvé des vies (3 %). Enfin, beaucoup ont puisé dans l'urgence sanitaire une source de relégitimation : ils sont environ 17 % dans les répondants à mettre en exergue l'expression de la solidarité des Français (12 %) ou la reconnaissance par la société (5 %). Comme si le corps médical s'était senti mieux compris du fait des événements.
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