Réformer l’hôpital est simple, si l’on n’est plus dans la demi-mesure. Toutefois, une réforme de l’hôpital ne peut se concevoir que dans un ensemble plus vaste et se fonde sur une analyse sans fard de ce que sont devenus la médecine de ville et l’hôpital public, cette formidable institution.
Un établissement de court séjour prend en charge des personnes âgées : en 2015, la moitié des journées étaient consacrées à des patients de plus de 65 ans ; or ceux-ci vont doubler d’ici 2040 tandis que le nombre de 20-60 ans, ceux qui cotisent, va rester constant. Par ailleurs, les maladies sont devenues chroniques, leurs traitements demandent un suivi et une coordination des professions et des spécialités dont le nombre ne cesse pas de croître.
Le système pousse les patients à choisir le plus cher
Or, on pense que le système conçu en 1930 pour la médecine libérale, en 1958 et 1970 pour l’hôpital public, est adapté à une époque où la démographie, l’économie et la médecine ont profondément évolué. Si bien que, faute de coordination simple, crédible et financée notre système pousse les patients à choisir le plus cher : l’hôpital plus que la ville, les spécialistes plus que les généralistes, les médecins plus que les infirmières et, de surcroît se paye le luxe de ne pas contrôler les pratiques cliniques et donc la qualité des soins.
Ajoutons à cela les réformes qui ne visent qu’à accentuer les défauts antérieurs en centralisant, en bureaucratisant ou en attendant tout de chimères qu’ils s’appellent dossier médical informatisé ou télémédecine et ceci jusqu’au degré zéro de l’imagination qui consiste à raboter toutes les dépenses, sans rien réformer.
La grande réforme de l’hôpital sera donc d’abord celle de la médecine de ville. Dans ce domaine la réforme essentielle consiste à proposer à ceux (patients et médecins) qui le souhaitent un paiement au forfait annuel, à la capitation donc, qui seule permet une véritable coordination sans inflation des actes, tout en offrant une rémunération digne aux intéressés. Les ROSP et autres « forfaits structures » ne sont que bricolages.
L’hôpital est devenu une organisation bureaucratique et corporatiste
Quant à l’hôpital public, il faut qu’il devienne une institution « normale », autrement dit qu’il soit maître de sa structure et de son organisation dans un cadre économique stable et clair. Or ce n’est pas le cas : l’hôpital est devenu une organisation bureaucratique et corporatiste. Corporatiste car, contrairement à ce qui est la règle en Europe, comme en Amérique du Nord, c’est la corporation qui élit le président de la CME et non pas le président du conseil d’administration qui nomme le médecin-chef de l’hôpital. Quant au qualificatif de « bureaucratique », il serait possible de le justifier pendant des centaines de pages : nous nous contenterons de rappeler que la loi HPST a accru la centralisation et la mainmise de l’État, que les règlements pleuvent, que l’État croit gérer en pondant des circulaires, des normes et des règlements et surtout que, dans un secteur où la main d’œuvre est à tous points de vue l’essentiel, on ne peut pas gérer un hôpital quand c’est une institution centrale qui nomme les médecins et que le personnel est sous statut. À l’instar de la SNCF, il faut donc passer du titre IV de la fonction publique à une convention collective, idem pour les praticiens hospitaliers qui ont un statut spécifique.
Chaque établissement doit être maître de ses recrutements
Chaque hôpital doit être totalement maître de ses recrutements et de sa structure définie par son règlement intérieur. L’hôpital est dirigé par un Président du conseil d’administration qui a la responsabilité civile et pénale. Il nomme le médecin chef, le directeur et l’infirmière générale.
Pour ce qui est des facultés de médecine, il faut laisser les universités contracter avec des équipes (et non pas des hôpitaux), et outre les mono (les praticiens hospitaliers) et les tri-appartenant (les PU-PH), inventer des statuts de bi-appartenant (médecin-chercheur, chercheur-enseignant et médecin-enseignant).
Enfin, si on souhaite éviter l’arbitraire, rappelons que toute réforme de financement suppose une mesure de l’activité. Le séjour de la T2A est bien meilleur que l’acte, même si la manière dont sont calculés les tarifs (notamment les consultations à l’hôpital) mériterait plus de débats et de transparence ! Quant au financement au « parcours » c’est une idée qu’il faut creuser si l’on dispose d’un alter ego en ville pour gérer ce parcours. Enfin, on peut imaginer une somme globale pour certaines fonctions, comme les urgences, mais là encore il faut un indicateur (le nombre d’habitants de la zone d’attraction ?) pour calculer le montant nécessaire pour exercer cette fonction.
* Membre de l'Académie des technologies
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