Le Président de la République veut faire de la réduction du nombre de Parlementaires la pièce maîtresse de "sa" réforme constitutionnelle. Dans quel but ?
Une réduction de 30 % de ce nombre est avancée. Elle aurait pour effet l'affaiblissement majeur de la fonction de Parlementaire. Il ne s'agirait plus alors de réduire le nombre de Parlementaires, mais bien de réduire le Parlement lui-même tout en augmentant l’éloignement des Français de ceux qu’ils ont élus, alors qu’aujourd’hui l’enjeu est au contraire de reconquérir la confiance des premiers en la politique et d’éviter aux seconds le « hors-solisme » qui ne leur est que trop reproché.
Je parlerai principalement du mandat de député que je connais mieux pour l'avoir exercé pendant 10 ans. Le seul mot de « mandat » l'affirme : il s'agit d'une fonction de représentation, s'inscrivant dans un système, la démocratie représentative, à laquelle, vous, moi, comme la majorité des Français sommes attachés. C'est « le pire des systèmes à l'exception de tous les autres ».
Le député, élu de la Nation, élabore, amende et vote les lois, et contrôle (trop peu) l'action de l'exécutif au nom des Français. Il ne s'agit donc pas d'un mandat régional exercé à Paris, mais bien d'un mandat national. Pour autant, on n'a pas trouvé jusqu'alors meilleur moyen de remettre à chacun la représentation d'une part des Français qu'en définissant cette part à l'échelon territorial. Ce découpage est, de très loin, la meilleure des solutions, car il définit un ensemble de Français, à la fois très divers mais aussi particulier par les conditions géographiques, économiques et historiques de la région.
Le parlementaire doit aussi rendre des comptes
Pour bien représenter, le député doit être au fait de ces singularités, voire même en partager les difficultés ou les chances ce qui lui permet d’être identifié à son territoire. Il doit être connu des habitants, les rencontrer de manière familière (lors des fêtes, des marchés, et bien sûr de ses permanences), ce qui facilite une relation de confiance que traduit l’expression « mon » député. Le Parlementaire doit aussi rendre des comptes sur son action lors de « comptes rendus de mandat » et/ou de réunions avec les associations ou les représentants des corps de métiers. Comment représenterait-il s’il ne rencontrait pas et n’écoutait pas ceux qui l’ont élu ?
Certaines circonscriptions sont d’ores et déjà très vastes ou présentent un relief qui suppose bien souvent plusieurs heures de déplacement d’un point à un autre. Ces circonscriptions comportent jusqu’à 300 communes que l « élu » ne peut ignorer et où il doit se rendre régulièrement. Ajoutons, que les 15 % de proportionnelle envisagés se superposeront à la réduction du nombre et aboutiront à la formation d'un contingent de députés placés sur des listes par leur parti et sans circonscription. Dans l’état de la réforme ce seront seulement 320 députés territoriaux qui remplaceront les 577 actuels.
L'intention de réduire le rôle du Parlement
On oppose toujours les mêmes arguments à ceux qui défendent le maintien ou la faible réduction du nombre de Parlementaires : le fait que l'Allemagne, les USA, le Canada... paraissent fonctionner avec beaucoup moins de députés. C'est d’abord faux et c’est oublier un léger détail : ces pays sont des pays FEDERAUX. L'Allemagne, par exemple, a deux sortes de Parlementaires : des députés nationaux, siégeant au Bundestag et des députés au sein des Länder dont le champ législatif est totalement différent en accord avec loi fédérale. Les premiers sont 709, les seconds 1821 soit un total de 2530, supérieur à celui de la France.
L’intention de réduire le rôle du Parlement est aujourd’hui totalement assumée et explicitée dans une note du Président de la République au Conseil d’État en date du 28 mars. La volonté de « réduire » le rôle des deux chambres en faveur du pouvoir exécutif est nommément exprimée et confirmée par des mesures d’apparence assez technique qui vont dans le même sens : restriction du droit d’amendement, renforcement de la décision d’irrecevabilité, mainmise de l’exécutif sur l’ordre du jour…
Est-ce bien le moment de faciliter une évolution autocratique de notre Constitution ? Bien le moment aussi d’éloigner les Français de leurs représentants, ceci en faveur de technocrates souvent déconnectés des réalités de terrain ? Telle quelle, cette réforme constitutionnelle n’est pas dénuée de risques. Si elle est présentée devant un Congrès, réunissant députés et sénateurs, l’importance de la majorité LREM emportera presque certainement la décision. La gravité du sujet, le renforcement de la présidentialisation dont elle est porteuse, mérite que ce soit le peuple français qui soit directement consulté par référendum.
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